12.7.05

La quadrature du cercle

La guerre contre le terrorisme est une affaire de chaque instant. Toutefois, ses fronts sont mouvants, inattendus même s’ils sont prévus. A chaque fois qu’un attentat a lieu, des mesures de sécurité nouvelles sont prises. Soit que l’on relève un niveau de surveillance, soit que l’on déclenche une opération militaire supplémentaire. Toutes ces initiatives ont avant tout une dimension médiatique : elles visent à rassurer les populations civiles, plus qu’à terroriser les terroristes. Voilà la vraie asymétrie, plus qu’une question matérielle ou de pratiques guerrières.
Cette nouvelle forme de combat nécessite toutefois beaucoup d’hommes. Planifier la guerre contre le terrorisme hors d’une coalition est une gageure. Après la chute du mur de Berlin, les formats des armées ont été revus pour soutenir des conflits classiques et courts. Les conclusions du sommet européen d’Helsinki de décembre 1999 ont permis de définir un objectif militaire global (« Headline Goal ») à atteindre par l’Union européenne (UE) en 2003 afin de pouvoir remplir les missions de Petersberg, définies lors du Conseil ministériel de l’Union de l’Europe occidentale en 1992. Ces missions « humanitaires ou d’évaluation de ressortissants », « de maintien de la paix », et « de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix » ont été reprises par l’UE depuis le sommet de Nice (décembre 2000). Cet objectif global place les capacités terrestres au cœur du projet puisqu’il s’agit « d’être en mesure de déployer rapidement dans un délai inférieur à 60 jours et de soutenir pour une durée d’au moins un an des forces pouvant aller jusqu’au niveau d’un corps d’armée (60 000 personnes). Ces forces devraient être militairement autosuffisantes et dotées des capacités nécessaires de commandement, de contrôle et de renseignement, de la logistique et d’autres unités d’appui aux combats ainsi que, en cas de besoin, d’éléments aériens et navals… » Trois relèves par an sont prévues.
La guerre contre le terrorisme lancé après les attentats du 11 septembre 2001 ne correspond pas, loin s’en faut, au type de conflit auquel les armées étaient préparées. Même si le terrorisme figure dans le « Livre blanc » français depuis 1997, les scénarios auxquels les armées françaises se sont vues confrontées entre cette date et 2001 sont la Bosnie et le Kosovo, en plus des opérations africaines. Aujourd’hui, les troupes françaises sont impliquées dans les Balkans, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et dans une multitude de micro-missions onusiennes. Et le problème qui se pose n’est pas tant la relève, mais la cohésion des troupes. En effet, avec le processus de réservoir de forces, il est rare qu’un régiment entier parte sur la même zone d’opération. Une section part là où son utilité le nécessite, tandis que deux compagnies font un tour dans les Balkans, mais pas dans la même zone, tandis qu’une compagnie reste à l’instruction et le reste en repos, maladie, congé… Au bout d’un an à ce rythme, les capacités opérationnelles du régiment sont presque anéanties, même si tous ses personnels sont aguerris.
Le même problème se pose évidemment aux pays engagés en Irak. Les Etats-Unis commence à voir se tarir le réservoir de volontaires dont ils disposaient depuis le choc du 11 Septembre. Les niveaux de recrutements des six premiers mois de 2005 mettent en péril la relève des troupes sur le terrain d’ici à un an. Même constat en Grande-Bretagne, où une note confidentielle du ministère de la Défense, publiée dans le « Mail on Sunday », parle de réduire son engagement de trois à huit mille cinq cents hommes. Le document, intitulé « Options for Future UK Force Posture in Iraq », prévoit même une réduction similaire pour tous les contingents. D’ici à 2006, il ne devrait plus y avoir que soixante-six mille hommes en Irak, contre cent soixante-seize mille aujourd’hui ; les Etats-Unis constituent l’armée la plus nombreuse, avec cent quarante mille hommes… L’Italie a annoncé vendredi dernier que le rapatriement de ses hommes commencerait dans les deux mois.

Aucun commentaire: