20.7.05

L'armée turque évoque l'"ordre américain" d'arrêter les chefs du PKK

LE MONDE | 20.07.05 | 14h01  •  Mis à jour le 20.07.05 | 14h01

ISTANBUL correspondance

Le numéro deux de l'état-major turc a assuré, mardi 19 juillet, à Ankara, que les Etats-Unis avaient "donné un ordre direct pour l'arrestation des dirigeants" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L'organisation, considérée comme terroriste par Washington et l'Union européenne, a repris, il y a un an, depuis l'Irak, sa lutte armée en Turquie. Le général Ilker Basbug s'exprimait, sur la chaîne NTV, trois jours après un nouvel attentat commis en Turquie par le PKK, selon Ankara. Mais des sources proches du Pentagone ont refusé de "commenter une information d'ordre opérationnel" et réaffirmé la détermination de Washington "à faire barrage au terrorisme, en Irak comme hors de ses frontières" .
Des milliers de militants du PKK s'étaient réfugiés en Irak, en 1999, après la capture de leur chef Abdullah Öcalan. Mais en juin 2004, le PKK annonçait la fin de sa trêve, arguant de l'insuffisance des mesures prises à Ankara en faveur des douze millions de Kurdes du pays, malgré l'impopularité d'un retour à la guerre chez ces derniers, notamment dans les milieux urbains. Depuis, les attaques du PKK en Turquie ont tué "105 soldats et 37 civils" , a déclaré le général Basbug, sans dire le nombre des morts parmi les 1 900 membres du PKK qui, selon lui, sont revenus dans le Sud-Est anatolien. Selon le général, 3 500 d'entre eux sont hors de Turquie, surtout en Irak mais aussi en Syrie et en Iran.
Ankara, qui a mené, avant 1999, des opérations dans le nord de l'Irak à la poursuite du PKK, doit désormais se tourner vers ses alliés américains en Irak et le gouvernement irakien pour réclamer l'élimination des "sanctuaires terroristes" .
Selon des visiteurs récents, le PKK règne en maître sur plusieurs vallées du nord du Kurdistan irakien, avec l'accord des autorités kurdes locales. Or les Américains ont besoin, en Irak, de ménager leurs alliés kurdes, pas pressés de sacrifier leurs frères de Turquie.
En outre, le Pentagone ne se souciait guère d'aller au-devant des désirs d'un pouvoir turc qui lui a refusé le passage vers l'Irak en 2003. Les militaires américains expliquaient donc à leurs collègues turcs qu'ils ne disposent pas de forces suffisantes en Irak pour aller désarmer le PKK au fin fond des montagnes kurdes. Est-ce cette attitude qui a évolué ? Le général Basbug semble en douter. "Les Américains ont les forces pour neutraliser les militants de l'organisation terroriste, mais ce n'est peut-être pas la première chose à faire. Avant cela, on peut par exemple arrêter leurs cadres dirigeants" , a expliqué le général avant d'annoncer que des ordres ont été donnés en ce sens. En précisant aussitôt qu'il "fallait d'abord voir, tous ensemble, ce qui va se passer".

DROIT D'AUTODÉFENSE

En attendant, les dirigeants turcs affirment que leur "droit à l'autodéfense" implique celui d'intervenir en Irak contre le PKK. Le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, l'a lui-même déclaré, il y a peu, en ajoutant qu'une telle opération n'était pas "actuellement programmée" . Le général Basbug, lui, a cherché à faire une distinction entre "opération transfrontalière" et "poursuite à chaud" . Mais à l'issue de la deuxième conférence des ministres de l'intérieur des pays frontaliers de l'Irak, qui s'est achevée, mardi 19 juillet, à Istanbul, le ministre irakien a avancé que c'était au Parlement de son pays d'autoriser toute action turque en Irak. Avec le risque de faire plus de mal que de bien, a renchéri en substance le représentant américain. Lundi, un chef du PKK en Irak, Murat Karayilan, avait menacé d'une "escalade dans la guerre" au cas où la Turquie mènerait une incursion en Irak.

Sophie Shihab
Article paru dans l'édition du 21.07.05

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