24.8.05

Un Pentagone moins idéologique et plus équilibré ?

Alors que le débat sur le retour des troupes américaines d’Irak fait de plus en plus la Une des journaux, le Washington Post du 21 août (http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/08/21/AR2005082100800_pf.html) analyse la nouvelle situation au Pentagone après le départ des idéologues conservateurs Douglas Feith et Paul Wolfowitz. L’idée va dans le sens d’un retour à la normale de l’administration Bush, tel qu’il est présent partout dans les esprits aujourd’hui. « La nouvelle équipe dirigeante civile qui a été mise en place par le secrétaire à la Défense Donald H. Rumsfeld au cours des derniers mois s’annonce comme moins idéologique, plus équilibrée et davantage adaptée au Congrès que le groupe du premier mandat à qui elle succède, selon des analystes de la défense et des législateurs. »
A la place d’idéologues spécialisés dans les questions de politique extérieure (qui se résumaient à la destruction de l’Irak), les nouvelles nominations au Pentagone amènent techniciens plus spécialisés dans les questions techniques et bureaucratiques. Immanquablement, Donald H. Rumsfeld entend soigner ses rapports avec le Congrès. Trois noms sont principalement cités :
* Pour remplacer Wolfowitz, Gordon England a été choisi. Peu intéressé par les questions de politique internationale, il se concentre sur les affaires bureaucratiques et l’énorme réforme du Pentagone que Rumsfeld espère mener à bien. Il sera, comme l’appelle déjà le site De Defensa, son « Grand Inquisiteur » (http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=1859 « Abracadabra : “UAS Road Map” gobera-t-il le JSF? »), chargé de revoir les grands programmes en cours, notamment dans le cadre de la QDR-2005.
* Eric Edelman succède à Douglas Feith: « Il a une petite expérience publique des batailles idéologiques de Washington, mais vient avec une réputation de diplomate de carrière habile et une personnalité facile à vivre ».
* Robert Rangel est un spécialiste du Congrès. Rangel « a récemment commencé à travailler comme chef du personnel de Rumsfeld et utilisé de son expertise de Capitol Hill [siège du Congrès des Etats-Unis] pour aider à faire glisser les initiatives du Pentagone. » En guise d’illustration, le Post signale un récent dîner en tête-à-tête, pour la première fois depuis que l’administration Bush est en place, entre le secrétaire à la Défense et le leader démocrate à la Chambre des Représentants, Ike Skelton.
« " D’un point de vue politique, vous n'allez pas voir de changement fondamental, rien au-delà de quelques petits mouvements de gouvernail", a déclaré un membre de l'administration impliqué dans la politique de défense qui n'est pas autorisé à parler pour attribution.
« Cependant, la nouvelle équipe semble se diriger vers quelques variations significatives dans l'emphase et le modèle. England, en particulier, a clairement manifesté son intention d’en revenir au modèle traditionnel du député qui surveille les opérations quotidiennes du Pentagone. Ces tâches de gestion n'ont jamais été le fort de Wolfowitz, un ancien universitaire spécialiste de la politique de défense qui a laissé le département de la Défense en juin pour devenir président de la Banque mondiale.
« Vétéran de l'industrie aérospatiale — il a occupé des positions de direction chez General Dynamics Corp. et Lockheed Martin Corp. —, England considère comme excessivement complexes les systèmes existants du Pentagone pour acheter des armes et a affirmé sa détermination pour en restructurer le processus. Il a déjà installé un comité pour recommander des changements d’ici novembre. »
La personnalité d’England concentre déjà toutes les remarques sur les changements en cours au Pentagone. Loren B. Thompson, du Lexington Institute, commentateur attitré de toutes les questions de défense à Washington : « Gordon England croit depuis qu'il était dans l'industrie que le système d'acquisition est cassé. Si on lui en donne l'occasion, il poussera au changement presque chaque aspect de la manière dont le Pentagone fait des affaires parce qu'il croit que des milliards de dollars sont gaspillés. »
Le Pentagone ne passe pour autant pas, comme le laisse entendre le Post, du camp des idéalistes interventionnistes au camp de réalistes. Il change seulement d’orientation dans ses objectifs. D’une certaine manière, on en revient à la situation existant avant le 11 Septembre, lorsque la préoccupation principale du secrétaire américain à la Défense était de transformer en interne son administration. A cette différence près que la situation est aujourd’hui bien plus grave qu’elle n’était en 2001.
Le rapprochement du Pentagone avec le Congrès répond à la même préoccupation. Il s’agit de trouver chez les parlementaires, qui restent les ordonnateurs en chef des dépenses budgétaires, des alliés afin de soutenir l’action révolutionnaire du secrétaire à la Défense contre la bureaucratie de sécurité nationale qui continue à tenir tous les leviers au Pentagone. Et cette action révolutionnaire avait été définie par Donald H. Rumsfeld dans son exceptionnel, et malheureusement trop ignoré, discours du 10 septembre 2001 (http://www.defenselink.mil/speeches/2001/s20010910-secdef.html).
Placer cette évolution dans le sein d’une soi-disant bataille entre idéalistes bellicistes et réalistes n’a strictement aucun sens. On dirait de façon très différente que le Pentagone new age qui s’installe est celui qui, après avoir mené la bataille contre l’Irak, devait conduire la politique de défense à l’automne 2001. Un petit peu comme si le second mandat de George W. Bush devait être son premier…

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