16.9.05

Divergences franco-américaines sur la mission de l'Otan

Washington voudrait l'impliquer dans la guerre antiterroriste

Arnaud de La Grange
[Le Figaro, 16 septembre 2005]

A la grande chasse aux talibans et à leurs comparses d'al-Qaida, ouverte depuis quatre ans dans les montagnes afghanes, les Américains aimeraient bien convier d'autres invités. En l'occurrence, enrôler sous la bannière de la guerre antiterroriste les forces alliées présentes en Afghanistan pour une tout autre mission, la stabilisation du pays.
Le sujet est à l'origine de nouvelles frictions entre les Etats-Unis et certains pays européens, France en tête. Les fleurets sont mouchetés – ce n'est pas le choc frontal sur la guerre en Irak – mais les passes d'armes bien réelles. Dernier épisode en date, la réunion informelle des ministres de la Défense, mardi, à Berlin. Michèle Alliot-Marie s'est encore opposée à la fusion des deux opérations : l'intervention antiterroriste américaine «Enduring Freedom» (Liberté immuable) et la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF), prise en charge par l'Otan depuis août 2003.
La France, explique-t-on au ministère de la Défense, n'est pas opposée à un rapprochement entre les deux opérations. Michèle Alliot-Marie l'a redit à Berlin, elle n'exclut pas des «synergies renforcées entre les deux forces». Mais elles doivent rester distinctes. «Ce sont deux missions complètement différentes, exécutées dans des conditions différentes avec des forces différentes», a martelé le ministre de la Défense.
Washington voudrait un commandement unique pour les deux opérations. Le secrétaire général de l'Alliance, Jaap de Hoop Scheffer, est acquis à la cause. Tout comme Londres. «Dangereux», répond-on à Paris. Il ne faut pas brouiller l'image différente des deux opérations, l'une à vocation guerrière, l'autre à connotation pacifique. L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne et la Turquie appuient peu ou prou la position française.
Côté français, on tient à préciser qu'il n'y a pas d'opposition idéologique à ce commandement unique. «Mais c'est trop tôt, explique un diplomate, la situation sur le terrain reste trop tendue.» L'Isaf, d'abord déployée à Kaboul, puis au nord et à l'ouest du pays, doit étendre son mandat au sud et à l'est. Mais les affrontements se multiplient ces derniers mois dans ces deux régions. Paris témoigne aussi de sa souplesse en rappelant que ses Mirage déployés au Tadjikistan volent aussi bien pour «Enduring Freedom» que pour l'Isaf.
Une fusion poserait aussi la question des moyens. «Il faut savoir ce que les Américains laisseraient à la disposition d'une opération unique», poursuit la même source. Un point intéressant, alors que certains suspectent Washington de souhaiter cette fusion pour pouvoir commencer à retirer des troupes d'Afghanistan. Même si Donald Rumsfeld a démenti hier une information selon laquelle les Etats-Unis réduiraient de 20% leurs effectifs en Afghanistan d'ici au printemps 2006.
Selon des plans bien réels de l'armée américaine, 4 000 des 20 000 GI actuellement déployés sur le front afghan pourraient être remplacés par des soldats de l'Otan.

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