7.9.05

Kofi Annan épinglé pour mauvaise gestion

ONU Rapport final aujourd'hui de la commission d'enquête sur le scandale «Pétrole contre nourriture»

New York : de notre envoyé spécial Alain Barluet
[Le Figaro, 07 septembre 2005]


Le temps des épreuves n'est pas terminé pour Kofi Annan. Très attendu, le rapport principal de la commission d'enquête sur le scandale «Pétrole contre nourriture» doit être remis aujourd'hui au Conseil de sécurité. Ses conclusions épinglent le secrétaire général, une semaine avant le grand sommet qui doit réunir à l'ONU la plupart des dirigeants de la planète.
Depuis de longs mois plusieurs investigations sont en cours concernant la gestion de ce programme des Nations unies, qui a permis à l'Irak sous embargo de vendre, entre 1996 et 2003, une partie de son pétrole pour acquérir des biens de consommation courante. Hier, des «fuites» parues dans la presse ont levé un coin du voile sur l'aboutissement des travaux menés depuis avril 2004 sous la houlette de l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker. Selon le Financial Times, la commission d'enquête indépendante, mise sur pied par le Kofi Annan lui-même, s'apprête à lui faire de sérieuses critiques en lui reprochant un manque de fermeté à la tête de son administration, ainsi que de notables carences de management.
Si le rapport souligne que le patron de l'ONU apparaît respecté en tant que «chef diplomatique et agent politique», il dénonce en revanche «une absence dommageable d'audits et de contrôles de gestion efficaces». Le document déplore une «absence palpable d'auditeurs et le manque de procédures claires permettant de faire remonter les informations au sommet». Il formule des conclusions «sans ambiguïté» sur la nécessité d'entamer une réforme profonde et urgente au sommet des Nations unies. «L'Organisation exige d'avoir une direction exécutive plus forte, une réforme administrative profonde et des contrôles et audits plus dignes de confiance», souligne le résumé du rapport.
Aujourd'hui, cependant, le secrétaire général devrait voir clarifier son rôle dans un dossier des plus embarrassants : l'attribution, dans le cadre de «Pétrole contre nourriture», d'un contrat à la société suisse Cotecna, pour laquelle avait travaillé son fils Kojo. «Le rapport souligne que le secrétaire général n'a pas eu de rôle dans l'attribution de ce contrat et que son fils Kojo ne l'a pas tenu au courant de ses activités», indique une source onusienne. Le secrétaire général accepte néanmoins la «responsabilité structurelle» de l'affaire. Cette mise au point sera-t-elle la bonne ? En mars, le second rapport d'étape de la commission d'enquête avait écarté tout trafic d'influence. Mais Paul Volcker avait par la suite semé le trouble en déclarant que l'enquête sur Kofi Annan se poursuivait.
«C'est un honnête homme, le procès qui lui était fait était injuste et anachronique», réagit une source diplomatique. Il n'en reste pas moins que de nombreux fonctionnaires onusiens, tout en faisant crédit de son honnêteté à leur secrétaire général, ont été troublés par la légèreté de l'enquête initialement diligentée par Kofi Annan et par le secret maintenu dans un premier temps autour de cette affaire.
Même nuancées, les remontrances de la commission Volcker sont mal venues pour Kofi Annan. Le secrétaire général s'apprête à accueillir la semaine prochaine à New York quelque 170 chefs d'État et de gouvernement pour un sommet d'une ampleur sans précédent, à l'occasion du soixantième anniversaire de l'ONU. Ce grand rendez-vous devait notamment entériner une ambitieuse réforme de l'Organisation. Or, celle-ci risque d'être réduite à la portion congrue. En déclarant «illégale» l'intervention en Irak, au printemps 2003, Kofi Annan s'était attiré les foudres américaines. Pour les néoconservateurs, qui périodiquement réclament son départ, le scandale «Pétrole contre nourriture» a été pain bénit.
La tempête, depuis, s'est quelque peu apaisée. Mais ses détracteurs ont de la suite dans les idées. Un de leurs plus bouillants représentants, le nouvel ambassadeur américain à l'ONU John Bolton, a mis dernièrement sur la table quelque 400 amendements qui sont venus détricoter la déclaration finale du sommet, laborieusement élaborée depuis des mois. A plusieurs reprises le diplomate américain avait déclaré que le scandale «Pétrole contre nourriture» devait être le prétexte d'une profonde réforme de l'ONU. De source onusienne, on indiquait hier que Kofi Annan ne devrait pas réagir autrement aux conclusions de la commission Volcker. Reste à savoir de quelle réforme on parle. «L'organigramme est brouillé, il faut clarifier les relations entre les différents organes de l'Organisation, sous la supervision des États membres», poursuit cette source, en insistant sur le renforcement des pouvoirs du secrétaire général sur l'administration. Un aggiornamento institutionnel qui diffère notablement des changements souhaités par les éléments les plus «anti-onusiens» du gouvernement Bush, soucieux de tenir le secrétaire général sous étroite tutelle et d'accentuer l'ingérence des États dans la marche de l'Organisation.

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