7.9.05

Victoire attendue de Hosni Moubarak à l'élection présidentielle du 7 septembre

LE MONDE | 06.09.05 | 14h03  •  Mis à jour le 07.09.05 | 11h24
LE CAIRE de notre envoyée spéciale

es Egyptiens élisent, mercredi 7 septembre, leur prochain président de la République. La campagne s'est terminée officiellement le 4 septembre par un ultime discours du président sortant, Hosni Moubarak, devant une foule de plusieurs milliers de ses partisans, parfois venus de gouvernorats lointains, réunis sur la place Abdine, au Caire, et qui n'ont cessé de l'interrompre par de bruyantes acclamations. A voire la profusion anarchique de banderoles, officielles ou privées, à la gloire du raïs, dans chaque rue de la capitale, la campagne présidentielle a ressemblé à s'y méprendre à la chronique d'une réélection annoncée... La victoire de Hosni Moubarak ne laisse en effet guère de doute.
Les Egyptiens, politologues, simples chalands ou même ses rivaux, lui prédisent un score élevé. Nombreux redoutent les fraudes électorales ou les pressions de dernière minute. La seule inconnue concerne finalement le taux de participation. Pourtant, et quel que soit le déroulement de cette élection, celle-ci restera dans les annales du pays comme un événement historique.
Pour la première fois, en effet, dix candidats sont en lice. Les présidents précédents, Gamal Abdel Nasser et Anouar Al-Sadate, n'ont cessé leurs fonctions qu'à leur mort. Après l'assassinat de Sadate, le 6 octobre 1981, Hosni Moubarak, alors vice-président, avait pris le relais. Depuis, un candidat unique était désigné par le Parlement avant d'être plébiscité par suffrage populaire. Pour M. Moubarak, dont le parti (PND, Parti national démocratique) contrôle 85 % de l'Assemblée, l'exercice s'apparentait à une formalité. Son mandat a ainsi été renouvelé tous les six ans depuis 1981, avec des scores oscillant entre 98,4 % et 93,7 %. A 77 ans, et après 24 années passées au pouvoir, il détient le record de longévité à la tête de l'Egypte. Son refus de nommer un vice-président - "On ne désigne pas son successeur dans une démocratie" , a-t-il expliqué à maintes reprises - a longtemps suscité l'angoisse des Egyptiens sur l'"après-Moubarak" et attisé les suspicions d'une succession "programmée" de son fils Gamal à la tête de l'Etat. En attendant, la concentration des pouvoirs entre les seules mains du raïs a mis à mal l'image "démocratique" du pays.
Sous la pression des Etats-Unis conjuguée à la pression interne, menée par le mouvement Kefaya (Ça suffit), qui a multiplié les manifestations, le raïs a fini par céder. Le 10 mai, en amendant la Constitution, il a offert à ses citoyens leur première élection présidentielle pluraliste au suffrage universel. Cette décision a néanmoins provoqué la surprise et le mécontentement de l'opposition, qui a dénoncé les conditions drastiques imposées aux candidats. De fait, seuls les chefs de partis autorisés (et nombreux sont ceux qui sont interdits) ont pu porter leur candidature. Et le référendum qui a entériné l'amendement, le 25 mai, a surtout marqué les esprits par les brutalités policières qui l'ont accompagné.
Résultat, à part deux personnalités politiques connues - Noaman Gomaa, du parti Néo-Wafd, et Ayman Nour, du parti Al-Ghad -, les prétendants à la présidence sont tous issus de partis marginaux, voire folkloriques, qui ont suscité parmi les électeurs plus de plaisanteries que de passion politique. Quant aux autorités religieuses, du cheikh d'Al-Azhar, Mohammed Tantaoui, au pape des coptes, Chenouda III, elles ont toutes appelé en termes apologiques à voter pour le chef de l'Etat. Les Frères musulmans, principale force d'opposition, interdits mais tolérés, ont, après maintes tergiversations, appelé leurs fidèles à voter "pour qui ils voulaient, sauf pour un despote ou un corrompu" .

RUMEURS ET PROGRAMMES

Les Cairotes auront moins commenté les programmes politiques que les rumeurs. Les dernières en date concernent le programme de Hosni Moubarak après sa réélection : une visite en Egypte du président Chirac, dont Paris n'est pas informée, et un voyage, annoncé par la radio israélienne, relayée par la chaîne qatarie Al-Jazira, d'une rencontre prochaine - sans précédent - de Hosni Moubarak avec le premier ministre israélien, Ariel Sharon, en Israël. Cette dernière nouvelle a été démentie par Le Caire dans la soirée.
Malgré ses limites, cette courte campagne - elle n'a duré que trois semaines - a permis d'ouvrir des poches d'expression : la presse s'est montrée plus critique qu'elle ne l'a jamais été. Les juges égyptiens ont également témoigné de leur indépendance en autorisant des organisations non gouvernementales à superviser la bonne tenue des élections - une mesure, il est vrai, ignorée par la commission électorale. Autant de nouveautés, dans un climat de manifestations, réduites mais omniprésentes, qui ont apporté un souffle de liberté. "Un premier pas, petit, certes, vers la démocratie, conclut Hisham Kassem, vice-directeur du journal indépendant Al-Masry Al-Youm, mais un grand pas pour les Egyptiens."

Cécile Hennion

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Un scrutin pluraliste et secret

La première élection présidentielle pluraliste au suffrage universel direct et secret est organisée, le 7 septembre, par la commission électorale, formée de magistrats. La commission, qui avait rejeté la présence d'observateurs locaux, est revenue, mercredi 7 septembre, sur sa décision, en posant des conditions : "ne pas intervenir dans le travail des juges" et "obtenir une autorisation de la commission électorale". 32 millions d'électeurs âgés de plus de 18 ans sont inscrits, sur une population de 72 millions d'Egyptiens. Les électeurs résidant à l'étranger (estimés à 2 millions) ne peuvent pas voter dans leur pays d'accueil. Pour les électeurs inscrits, le vote est obligatoire sous peine d'une amende de 100 livres égyptiennes (15 euros). 9 865 bureaux de vote ont été établis à travers le pays et seront ouverts de 8 heures à 20 heures. 13 000 juges supervisent l'opération. L'électeur fait son choix dans l'isoloir, dépose son bulletin dans l'urne et trempe son pouce dans de l'encre indélébile. Selon le ministre de l'information, Anas Al-Fiqi, les résultats seront annoncés entre 48 heures et 72 heures après le vote. Les candidats peuvent déposer des plaintes pendant les premières phases du dépouillement, mais, une fois le résultat définitif annoncé par la commission, aucune plainte n'est plus recevable. - (Corresp.)
Article paru dans l'édition du 07.09.05

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