15.9.05

Paris réorganise ses troupes stationnées en Afrique

Le dispositif se recentre sur trois bases à vocation régionale

Arnaud de La Grange
[Le Figaro, 15 septembre 2005]


Si la France ne doit plus jouer les gendarmes de l'Afrique, elle n'a plus besoin d'une «gendarmerie» à chaque coin de frontière. La nouvelle doctrine française sur le continent noir – pas d'ingérence et soutien aux organisations régionales – se traduit progressivement sur les cartes et les organigrammes. Selon des sources du ministère de la Défense, un nouveau pas dans l'évolution du dispositif militaire devrait être fait d'ici peu.
S'il repose aujourd'hui sur 5 points d'appui, ce dispositif sera recentré sur trois grandes bases : Dakar, Libreville et Djibouti. Il faut y ajouter une base «nationale», celle de l'île de la Réunion. Cette carte se superpose à celle des grandes organisations régionales africaines, auxquelles ces forces apporteront soutien : Dakar travaillera avec la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), Libreville avec la CEEAC (Communauté économique des Etats d'Afrique centrale), Djibouti avec l'Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement, qui regroupe les pays d'Afrique de l'Est) et la Réunion avec la SADC (Communauté de développement d'Afrique australe).
Deux implantations sont donc «déclassées» : le Tchad et la Côte d'Ivoire. N'Djamena est un cas particulier puisqu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une base, mais d'une «opération» de longue, très longue durée. Côté golfe de Guinée, même si cela n'est pas dit explicitement, il semble que la présence militaire française en Côte d'Ivoire soit à terme condamnée. Les marsouins du 43e Bima (Bataillon d'infanterie de marine) devraient quitter Abidjan une fois l'incendie ivoirien bien éteint. Une condition qui, il est vrai, leur laisse largement le temps de faire leur paquetage.
Précaution d'usage, une source diplomatique précise que cette réorganisation est soumise à l'accord des chefs d'Etat africains, «à qui une lettre a été envoyée». Ces décisions devraient être confirmées par Jacques Chirac lors du sommet franco-africain de Bamako en décembre. Le président français devrait rassurer ses interlocuteurs : si l'on sort d'une relation militaire purement bilatérale, il n'est pas question de remettre en question les accords de Défense, dont les clauses connues ou secrètes sont une véritable assurance sécurité pour certains.
La philosophie qui préside à tout cela n'est pas révolutionnaire. Elle s'inscrit dans la ligne de ce qui est fait depuis la fin des années 90, notamment le transfert progressif des responsabilités du maintien de la paix aux Africains. Le passage de relais s'accompagne d'un soutien en formation et en équipements. Récemment, les événements du Darfour ont encore montré les difficultés des Africains à déployer eux-mêmes leurs forces.
Dans cet esprit, la France a mis sur pied en 1997 le dispositif Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Demain, les quatre bases françaises «régionales» s'impliqueront encore plus dans le soutien à l'Union africaine (UA), qui doit mettre sur pied cinq «brigades en attente» d'ici à 2010. Symboliquement, ces bases seront toutes commandées par des généraux (c'est le cas seulement pour Djibouti aujourd'hui), pour traiter avec les généraux africains des forces régionales.
Autre signe des temps, cette présence militaire en Afrique va être «européanisée». «Nous voulons ouvrir ces états-majors à des pays européens, qui y affecteront s'ils le désirent des officiers en permanence», confie un officier. Une ouverture qui vise à faire avancer un peu plus l'Europe de la Défense, mais aussi et peut-être surtout à sortir du tête-à-tête malsain entre la France et ses anciennes colonies. «Cela se fait déjà dans le cadre de Recamp, commente la même source, puisque des pays européens, l'ONU, des organisations internationales, et même le Japon financièrement, ont participé à des exercices.» Sur le terrain, les Français ne seront pas seuls. Hier, George W. Bush a annoncé à l'ONU que les Etats-Unis allaient former en cinq ans 40 000 soldats africains. Pour le maintien de la paix. Mais aussi, bien sûr, pour la guerre contre le terrorisme.

Aucun commentaire: