15.9.05

Washington vise Damas

Le président syrien Bachar el-Assad absent du sommet mais au coeur de l'attention


New York : de l'un de nos envoyés spéciaux Ph. G.
[Le Figaro, 15 septembre 2005]

L'un des principaux pôles d'attention du sommet des Nations unies est absent de New York. Bachar el-Assad, le président syrien, a préféré renoncer à ce rendez-vous diplomatique plutôt que d'y être mis en accusation. Le secrétaire d'Etat américain, Condoleezza Rice, a prévu une réunion multilatérale sur son cas lundi prochain, à laquelle aucun représentant syrien n'est invité.
A la veille de l'Assemblée générale, l'ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Zalmay Khalilzad, avait ouvert le feu : Washington «est à bout de patience» avec la Syrie, au point que «toutes les options sont sur la table», même celle de frappes militaires. A New York, le président Bush a accentué la pression : «Le leader syrien doit comprendre que nous prenons son inaction au sérieux. Son gouvernement va devenir de plus en plus isolé.» Le courroux américain est attisé par l'attitude de Damas en Irak : qualifié «d'obstacle numéro un au succès» de la coalition, le pays laisserait des combattants étrangers «entrer avec un aller simple», être formés dans des camps d'entraînement terroristes à Alep, à Latakieh et à Damas, puis franchir librement la frontière irakienne. Ces djihadistes ne représenteraient que 10% de l'insurrection, mais ils commettraient la plupart des attaques suicides.
L'ambassadeur syrien à Washington, Imad Moustapha, juge ces accusations «absurdes à 100%», affirmant que son pays contrôle comme jamais sa frontière avec l'Irak. «Nous comprenons que les enjeux sont considérables», ajoute-t-il. A Damas, un journal officiel redoute que la Maison-Blanche répète les «mêmes erreurs» qu'en Irak.
Lors de l'invasion américaine en 2003, Damas avait été soupçonné de cacher des armes de destruction massive de Saddam Hussein, mais aucune preuve n'avait pu être produite. Aujourd'hui, «je n'affirmerais rien si je n'en étais pas sûr», dit l'ambassadeur Khalilzad. Son analyse est que la Syrie constitue une menace plus grave que l'Iran et pose même un problème plus sérieux que naguère le Pakistan pour l'Afghanistan.
La Syrie figure depuis 1979 sur la liste noire américaine des Etats qui soutiennent le terrorisme, mais elle n'avait pas été mentionnée dans «l'axe du Mal» dénoncé en 2001 par George Bush. Fin 2003, celui-ci a néanmoins signé une loi renforçant les sanctions contre le régime, dont les avoirs aux Etats-Unis sont gelés et les échanges commerciaux limités à de la nourriture et des médicaments.
Après l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais, Rafik Hariri, le 14 février dernier, la France et les Etats-Unis ont coparrainé une résolution des Nations unies exigeant le départ de l'occupant syrien du Liban. En juin, une enquête de l'ONU a été confiée au procureur allemand Detlev Mehlis : il vient d'obtenir une promesse de coopération de Damas, dont il souhaite entendre plusieurs hauts responsables. Son rapport, attendu le 25 octobre, risque «de faire l'effet d'une bombe» en mettant en cause le régime syrien, prévient un diplomate.
L'Administration Bush pourrait en prendre prétexte pour pousser l'ONU à imposer des sanctions contre Damas. Selon Newsweek, le Pentagone s'emploierait également à réviser ses plans d'intervention militaire. L'état-major exclurait une invasion, mais pas des frappes aériennes ou des opérations clandestines contre des camps d'entraînement terroristes et d'autres cibles.
«Nous allons continuer à les isoler, comme par le passé», assure-t-on au département d'Etat. Mais cette tension suscite «un certain flottement» dans la coopération jusqu'ici étroite avec la France, reconnaît-on au Quai d'Orsay : «Notre priorité est l'indépendance du Liban, absolument pas le changement de régime en Syrie, objectif pratiquement avoué des Américains.»

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