20.9.05

Relents du passé (désillusions)

Les résultats des élections allemandes, et surtout les commentaires attristés des médias, sont au reflet de la situation de l’Europe. Ils témoignent de la crise dans laquelle elle est entrée depuis la chute du mur de Berlin et l’écroulement de l’Union soviétique. Un relent d’années 1930 s’échappe de cette démocratie élective, populaire dirions-nous si nous ne connaissions la réalité qui se cache derrière ce mot. L’importante révélation du scrutin allemand, à l’unisson des dernières élections françaises, britanniques, hollandaises, belges, italiennes, n’est pas tant la difficile émergence d’une majorité claire ou l’égalité presque parfaite dans laquelle sont plongés les partis dits de gouvernement. L’important, hélas, réside dans l’envolée des mouvantes extrêmes de gauche comme de droite.
La mort de la candidate néo-nazie de Dresde est arrivée à point pour montrer que ces dangereux sédiments de destruction sociale avaient un cerveau : elle est morte d’une attaque cérébrale. Pourquoi ce jeu de mot, laid de surcroît ? Simplement pour atténuer quelque peu la portée de ce péril. La démocratie, comme dans les années 1930, nourrit en son sein les partis qui ne visent qu’à la détruire. Le hooliganisme est devenu un avatar de la politique, après avoir été celui des stades de football. Les Vlams Block et autre Lega ou autres sinistristes regroupent toutes les sphères de la population européenne qui ne se retrouve pas dans les politiques suivies par les partis classiques. Auberges espagnoles, elles semblent inspirer des politiciens dits classiques. Le populisme ambiant dans lequel baigne tout débat politique en Europe témoigne d’un curieux discrédit de tout l’édifice politique européen. Le traité constitutionnel, sans revenir sur son caractère trop libéral ou pas assez social, marque un des sommets de l’échec de la démocratie européenne, telle qu’elle a appréhendé la nouvelle donne issue des bouleversements de 1989.
Comme en 1919, le monde s’est mis à croire en un avenir radieux. La guerre était bannie, au point qu’un auteur parla de « fin de l’Histoire ». Le triomphe de la démocratie était assuré et les Nations unies devenaient le garant d’un paix universelle. L’illusion a duré le temps que durent les roses. La seconde guerre d’Irak, après les événements de New York et de Washington, a eu tôt fait d’ôter toutes les illusions. Avec le naufrage du siècle américain que fut le XXe siècle a disparu l’esprit démocratique de ceux qui avaient cherché à se prémunir d’un retour de l’extrémisme en Europe. Lénine, Hitler et Mussolini sont devenu des idoles pour des individus sont conscience historique ; on trouve ainsi des bustes et des statues du Duce dans les magasins de souvenirs en Italie, en vente totalement libre, au milieu des céramiques et des cartes postales… Le danger ne vient pas de ces relents-là. L’absence de consistance des discours politiques d’aujourd’hui, promettant une réforme qui ne va jamais, à droite comme à gauche, plus loin de l’immobilisme consternant d’une société occidentale — si elle existe — en perte d’audience autant que de repère.
Les élections allemandes annoncent un retour de l’esprit des années 1930, l’idéologie en moins. Qui craint aujourd’hui les moscoutaires, les fascistes et les nazis ? Pourtant, ils sont tous là, au rendez-vous des électeurs, avec leurs faux nez de carnaval. Les altermondialistes sont en crise dans leurs structures non organisées. Mais les trotskistes et autres communistes en mal de parti sont eux fidèlement tapis dans des organisations nourries par les fonds publics. Sur l’autre crête se retrouvent tous les déçus d’un ordre défunt, inconciliables avec les temps présents. Ce sont les mêmes qu’à l’époque, les anciens combattants de 1914 en moins. On a les conflits que l’on peut : aujourd’hui la violence est télévisuelle, l’élimination par SMS faisant le bonheur des opérateurs téléphoniques et le soulagement des consciences des courageux du samedi soir, toutes ces divas des sondages qui contribuent à la déliquescence démocratique. Ils se nourrissent de la paupérisation ambiante qui frappe les classes moyennes. Ils attisent leurs peurs, toutes les peurs. Les ferments de la haine sont de nouveau-là
L’analogie avec le passé est encore plus prégnante dans les relations qu’entretient l’Europe avec le reste du monde. Face à ce monde qui s’échappe, les donneurs de leçons vont bon train. Depuis le 11 septembre, il s'agit d'éradiquer un mal inéradiquable. Et les mêmes erreurs se rejouent en Egypte, où des élections sont censées dire que le pays est une démocratie, où des analphabètes montrent combien il est difficile de concilier démocratie et sous développement en Afghanistan, où des raz-de-marée électoraux font triompher des partis essoufflés mais sans concurrence au Japon. Il sera toujours simple de critiquer la situation des droits de l’Homme en Tunisie…
Quand est-il chez nous ? Qu’émergera-t-il du brouhaha dans lequel s’est enfoncée l’Allemagne depuis dimanche ? Très certainement la même atonie que la situation post-référendaire a imposé à la France. Le panache de Jean-Claude Juncker, à qui l’on avait reproché le « chantage » qu’il avait fait à ses électeurs, manque à l’Europe. Tony Blair triomphe dans sa danse d’Echternach : deux pas en avant, trois en arrière. L’immobilisme toujours… Avant le cataclysme !

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