6.10.05

Fortress Europa

Les assauts répétés des immigrants africains sur les grillages de Ceuta et Melilla ramènent l’Europe à une réalité politique : celle de l’échec. Depuis des années, elle entend agir auprès des gouvernements d’Afrique du Nord pour qu’ils empêchent ces clandestins d’accéder au rivage méditerranéen. Depuis des années, en fait depuis la création de la Communauté économique européenne, des accords la lie avec les pays d’Afrique, entre autres. L’objectif de ces politiques est officiellement de permettre un développement suffisant, entendez économique, sur la rive sud de la Méditerranée, pour dissuader l’immigration vers l’Europe.
Las, les événements de ces derniers jours montrent l’inanité de ces efforts. Et voilà l’Europe confrontée à son propre Rio Grande, les maquilladoras en moins. Mais avec Tijuana, car le Rif n’a toujours pas été rendu aux cultures vivrières, même si le gouvernement marocain a empoché les subsides européens. Les réunions de l’automne dernier, avec les partenaires de la troisième Conférence ministérielle des pays membres du dialogue euro-maghrébin 5+5 (France, Italie, Espagne, Portugal et Malte ; Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie et Libye) sur la migration en Méditerranée, qui s’est tenue à la mi-septembre 2004, n’ont abouti à rien. L’Europe se trouve toujours dépourvue de politique en la matière. Les législations nationales permettent à l’Espagne, en vertu d’un accord bipartite de 1992, de reconduire au Maroc certains illégaux, ou de les légaliser ; l’Italie berlusconnienne a fait de même ; la France sarkosyenne s’apprête à durcir les conditions de séjour…
Cet exemple, ajouté à l’épineux dossier de la Turquie, montre le problème qu’entretient l’Europe avec ses frontières, et plus particulièrement sa frontière sud. Le débat passionné qu’a occasionné l’ouverture des négociations avec Ankara montre qu’il n’y a rien à attendre de neuf sur la question de l’immigration. D’un côté, de bonnes âmes rechanteront le couplet de l’amitié et de l’humanité, de l’autre, des Etats mèneront une politique liée à leurs intérêts immédiats (l’Espagne, comme l’Italie, ont tout intérêt à laisser passer ces immigrants puisqu’ils désirent tous se rendre en Grande-Bretagne ou dans le Benelux). Et l’ONU arguera que le phénomène migratoire reste un phénomène inéluctable. Mais, pendant tout ce temps, tout aussi inéluctablement, l’Europe se sera prémuni du terrorisme et se sera transformée en citadelle assiégée…

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