5.10.05

Navy vs. Politics

« Retour à Bagdad » (« This Just In From Baghdad »), tel était l’épisode de la série JAG, diffusé dimanche dernier sur France 2 ; sa première diffusion aux Etats-Unis date du 5 novembre 2004. Le rôle de porte-parole de la Navy, et plus généralement de l’institution militaire, contre la guerre menée par les néo-conservateurs en Irak qu’a pris la série apparaît de plus en plus clairement. Il y a deux semaines, nous avions évoqué le cas des compagnies militaires privées. Cette semaine, le ton était donné d’entrée de jeu. Dans l’ouverture, un reportage de ZNN présente l’intrigue, mais surtout s’achève sur l’image d’un bodybag qu’un militaire termine d’enfourner dans une ambulance. Puis démarre le générique.
Cette évocation est d’autant plus intéressante que le reportage de la chaîne d’information continue de la série va à l’encontre des règles éditées par le Pentagone. Les images des retours de corps n’ont été déclassifiées que récemment, sur l’injonction de requêtes de Russ Kick, animateur du site web « thememoryhole.org », et surtout de l’ancien journaliste de CNN, Ralph Begleiter, professeur de communication à l’Université du Delaware, avec l’assistance légale du National Security Archive et de la société juridique Jenner and Block, en vertu du Freedom Act of information, entre octobre 2004 et août 2005 (voir http://www.gwu.edu/%7Ensarchiv/NSAEBB/NSAEBB136/index.htm, http://www.gwu.edu/%7Ensarchiv/NSAEBB/NSAEBB152/index.htm et http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB161/index.htm). Il ne faut pas oublier que de telles images avaient été bannies des écrans en janvier 1991 par le Secrétaire à la Défense de l’époque, l’actuel vice-président Dick Cheney, au cours de l’administration du président George H. W. Bush, quelques semaines avant que ne débute la première guerre du Golfe.
Revenons à la relecture de l’épisode du JAG, où un sergent d’état-major était accusé de négligence, suite au décès, dans une patrouille, qu’il dirigeait d’un conseiller du Département de la Défense, dont on précise son appartenance à l’équipe du premier président Bush. Le correspondant de ZNN, Holliman, informe le capitaine Raab et le lieutenant-colonel MacKenzie que ce décès serait en relation avec l’aigreur des militaires face à leur condition dans ce conflit. Rappelons que l’épisode se passe en 2004, c’est-à-dire bien après la fin officielle de la guerre (1er mai 2003), dans cette période que la hiérarchie politique-militaire américaine commence seulement à qualifier d’opération stay-behind (cf. Time Magazine du 26 septembre 2005, « Is it too late to win the war ? » et ses articles « Chasing the Ghosts » et « Saddam's Revenge », http://www.time.com/time/magazine/0,9263,7601050926,00.html). Raab cherche à savoir s’il a été victime d’une mort intentionnelle ; dans la version originale, il utilise un terme datant de l’époque du Vietnam, « fragment », qui s’appliquait quand une grenade à fragmentation était lancée sous la tente d’un officier. Le sergent est condamné, mais le lendemain, son colonel, son capitaine et son lieutenant témoignent en sa faveur. Ces trois officiers, complétés par le témoignage de leur général, tiennent à décharger leur sous-officier de sa responsabilité, arguant qu’il avait pu être influencé par une mauvaise explication de leurs ordres.
Il y a deux niveaux de lecture dans les faits exposés dans cet épisode. D’abord, la question du manque de matériel et des moyens ad-hoc utilisés par les Marines pour assurer leur propre sécurité dans des véhicules non blindés ou mal blindés. Ce débat était réel au cours de l’été 2004. Le problème des Humvees non-blindés était apparu en août 2003, quand des soldats du Massachusetts ont été tué dans un véhicule de ce type par une bombe. Il déborda, brièvement, sur la scène médiatique lors d’une visite à Camp Buehring, au Koweït, de Donald Rumsfeld, pris à partie par le soldat Thomas Wilson, mécanicien dans un régiment de la Garde nationale du Tennessee (AP, 8 décembre 2004 et http://www.dod.mil/transcripts/2004/tr20041208-secdef1761.html).
L’autre niveaux de critiques tient à un événement de l’été 2004, celui de la chaîne de responsabilité du scandale d’Abu Ghraib. Le général Sanchez s’était déchargé sur les soldats de la 372e compagnie de réserve de police militaire, dont neuf soldats et sous-officiers ont été jusqu’à présent condamnés, la dernière en date étant la médiatique Lynndie England, le 27 septembre. Quelques officiers ont été réprimandés, mais aucun n’a été mis en accusation. Aucun haut responsable de l’armée ou de l’administration n'a été mis en cause. Le 23 avril 2005, le Département de la Défense a rendu publique une enquête interne mettant hors de cause quatre officiers supérieurs, dont le général Ricardo Sanchez, qui commandait les forces en Irak, et son adjoint, le général Walter Wojdakowski (http://usinfo.state.gov/dhr/Archive/2005/May/09-97556.html).
On est loin de l’épisode « People vs SecNav », dont nous nous faisions l’écho le 6 décembre 2004 (http://renseignement.blogspot.com/2004_12_01_renseignement_archive.html)…

Aucun commentaire: