20.10.05

Le général Poncet humilié

Crise ivoirienne

La France militaire est secouée. La suspension du général français Henri Poncet est d’ores et déjà surmédiatisée dans son pays, et suscite de nombreuses interrogations. De manière générale, personne ne croit à la version officielle donnée par Michèle Alliot-Marie, jugeant la sanction “disproportionnée” par rapport à la faute évoquée, d’autant plus que le meurtre en question s’est déroulé dans la zone de confiance, loin du 43ème Bima, ce qui rend difficile l’établissement d’une chaîne de responsabilité en dehors de toute information judiciaire – la procédure expéditive rappelle celle qui a amené Jacques Chirac à ordonner, sans la moindre enquête, la destruction de la totalité de la flotte aérienne ivoirienne…
Par ailleurs, la sévérité de la sanction contraste avec le laxisme de la justice militaire française qui a libéré – par erreur ! – deux des soldats impliqués dans le cambriolage des agences de la Bceao à Bouaké et à Man. Le motif officiel de la suspension du général Poncet est donc un prétexte. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. A l’analyse, le général Poncet – à qui la Chiraquie n’a jamais pardonné son incapacité à renverser Laurent Gbagbo – est l’agneau du sacrifice. Au-delà de l’affaire “Mahé”, il doit payer pour tout le monde l’expédition désastreuse de novembre 2004. Il est en effet impossible de dissocier la récente mésaventure du général Poncet de l’avancée des enquêtes, tant françaises qu’ivoiriennes, sur les événements de novembre 2004. L’autorisation par la justice française de l’ouverture des dossiers secret-défense sur ces événements ainsi que les analyses balistiques poussées des experts sud-africains ont convaincu Chirac et Alliot-Marie que la posture globale dans laquelle ils se trouvaient – “ nos soldats n’ont fait que leur travail de légitime défense et n’ont utilisé que des armes non létales ” – n’était pas longtemps tenable, en raison de la multiplication des preuves accablantes.
Avant les scandales à venir, Chirac et Alliot-Marie prennent visiblement leurs précautions en criminalisant par anticipation le général Poncet et en préparant l’opinion à ne retenir que sa seule culpabilité. S’il a pu couvrir un officier et un sous-officier coupables de meurtres, donc mentir à sa hiérarchie, il a bien pu couvrir la réalité des tueries de l’Ivoire, des ponts ou des corridors.
Cette explication se justifie par une sorte de campagne qui ne dit pas son nom et qui est portée par un “spécialiste” de la région, Charles Maisonneuve, qui a donné une interview sur le site Internet du quotidien Libération. Interrogé sur la possibilité d’un règlement de comptes contre Poncet, il répond : “ Ce qui est sûr, c'est qu'il ne laisse personne indifférent au sein de l'institution. Cet homme est adulé par les uns qui se feraient tuer pour lui et haï par les autres qui feraient tout pour le faire chuter. Poncet a un goût maladif pour le secret, sans doute lié à son passé au sein des forces spéciales. Aujourd'hui, il paie peut-être sa volonté de couvrir à tout prix, et jusqu'au bout, ses hommes. ” Un militaire habitué aux marges, désireux de cacher des choses à sa hiérarchie ? Le profil parfait de celui sur qui on veut faire reposer la responsabilité exclusive des crimes commis ensemble. Alliot-Marie aurait sans doute pu attaquer directement Poncet sur les événements de novembre. Mais sa posture aurait été plus difficile. Les choses auraient été abordées de manière frontale, et l’opinion aurait noté avec insistance que c’est Jacques Chirac lui-même qui a ordonné la destruction des moyens aériens ivoiriens, cet ordre impliquant lui-même des conséquences difficiles à ignorer.
Faire déchoir le général sur un sujet impossible à relier au chef d’état-major, à la ministre et au président ; puis jouer sur la réputation ainsi taillée pour faire accroire, le moment donné, que les tirs tendus de l’Ivoire font partie des dégâts d’un officier incontrôlable et qui n’a même pas eu le bon goût d’avouer ses forfaits à ses patrons, lesquels ont menti par ignorance dans les médias grand public : telle semble être la stratégie de “Supermenteur” (Jacques Chirac) et de “Mensonges après Mensonges” (Michèle Alliot-Marie).


Par Théophile Kouamouo Le Courrier d'Abidjan
Le 20-10-2005

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