20.10.05

Mandat d'arrêt espagnol contre trois soldats américains

LE MONDE | 20.10.05 | 13h51 • Mis à jour le 20.10.05 | 13h51
MADRID de notre correspondante

Un juge de l'Audience nationale, principale juridiction pénale espagnole, a émis, mercredi 19 octobre, un mandat d'arrêt international, en vue d'une extradition, contre trois soldats américains. Ils sont soupçonnés d'être à l'origine de la mort du cameraman de la chaîne espagnole de télévision privée Telecinco José Couso, tué par les éclats d'un obus tiré par un char de l'armée américaine en direction de l'hôtel Palestine, à Bagdad, le 8 avril 2003.
Outre José Couso, un cameraman ukrainien de l'agence Reuters, Taras Protsyuk, avait été tué, et deux journalistes et un technicien de Reuters avaient été blessés par le tir de ce char placé sous la responsabilité des trois militaires américains. L'hôtel Méridien-Palestine hébergeait la majeure partie des journalistes étrangers qui couvraient la guerre.
Le juge Santiago Pedraz a émis un mandat d'arrêt international à effet d'extradition contre le sergent Thomas Gibson et deux de ses supérieurs dans la chaîne de commandement, le capitaine Philip Wolford et le lieutenant-colonel Philip de Camp, responsables du char M-1 Abrams qui a tiré un obus contre l'hôtel Palestine. Tous trois appartenaient à l'époque au 64e régiment de blindés de la 3e division d'infanterie cuirassée de l'armée américaine ; le capitaine Wolford commandait l'unité de blindés de la compagnie A et le lieutenant-colonel de Camp commandait le régiment.
Les autorités américaines ont toujours affirmé que les soldats avaient ouvert le feu parce qu'ils avaient estimé avoir été eux-mêmes visés par des tirs en provenance de l'hôtel et que leurs actes étaient justifiés et conformes aux procédures en vigueur dans l'armée. L'existence de tirs préalables a toujours été niée par les autres journalistes présents à proximité des chambres des victimes.
Le juge espagnol explique qu'il demande l'arrestation des trois militaires "au vu de la coopération nulle des autorités américaines pour éclaircir les faits". Le magistrat a demandé aux Etats-Unis par deux fois, en avril 2004 et en juin 2005, des documents puis l'autorisation d'interroger ces trois militaires. Dans son ordonnance, il écrit n'avoir reçu "aucune réponse".
Dans sa réaction, le gouvernement espagnol a tenté de préserver ses relations avec le gouvernement américain, quelque peu refroidies depuis le retrait des troupes espagnoles d'Irak annoncé par M. Zapatero peu de temps après son entrée à la Moncloa, en avril 2004. "En aucun cas il ne faudrait attribuer une conséquence politique à ce qui est la décision d'une autorité judiciaire agissant en toute indépendance" et alors qu'il existe des voies de recours, a déclaré le ministre de la justice, Juan Fernando Lopez Aguilar. De fait, le parquet a annoncé qu'il ferait appel de la décision du juge dès jeudi. L'Audience nationale a été saisie à la suite d'une plainte de la famille de José Couso.
"Le commandement central américain a enquêté complètement sur l'incident et a établi que les soldats américains ont agi de manière appropriée lors d'une situation de combat", a déclaré mercredi à l'AFP un porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Barry Venable. L'armée américaine estime qu'"aucune faute ou négligence n'a été commise par les forces de la coalition", selon le rapport d'enquête.

Cécile Chambraud
Article paru dans l'édition du 21.10.05

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