21.10.05

Les Libanais redoutent de faire les frais de la colère syrienne

Des mesures de sécurité exceptionnelles ont été déployées à la veille de la publication du rapport Mehlis.

Sibylle Rizk
[Le Figaro, 21 octobre 2005]

Les Libanais attendent avec angoisse et fébrilité la publication aujourd'hui du rapport d'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février dernier. «Je reçois des dizaines de coups de fil d'étudiants me demandant si les cours ont lieu ce vendredi», témoigne Georges, un responsable de l'une des grandes écoles de Beyrouth. «n'y a aucune raison d'avoir peur».
La rumeur d'une fermeture des établissements universitaires et scolaires a pris une telle ampleur dans le pays que le ministre de l'Éducation, Khaled Kabbani, a été obligé de publier un communiqué pour la démentir et enjoindre les parents d'envoyer leurs enfants en classe normalement aujourd'hui. Le Conseil des ministres a pris le relais hier en certifiant qu'il Malgré ces propos rassurants, l'échéance du 21 octobre est devenue une obsession pour beaucoup de Libanais, particulièrement dans les régions chrétiennes, principales cibles de la vague d'attentats qui sévit depuis le début de l'année. «Tout est suspendu au rapport (du commissaire allemand Detlev) Mehlis, plus personne ne prend aucune décision», se désole un chef d'entreprise. Les rues, d'ordinaire congestionnées, de la capitale sont fluides. Dans les restaurants, qui affichent généralement complets le soir, surtout en période de ramadan, le mois du jeûne musulman, les serveurs sont désoeuvrés.
«Nous avons annulé un week-end entre amis parce que chacun préfère rester chez soi ces deux jours», dit Magali, évoquant un climat de «parano». Quant à Marilyn, sa mère l'a obligée à faire des achats au pas de course «pour éviter de s'attarder plus de vingt minutes dans un centre commercial». La protection du bâtiment qui abrite les bureaux des Nations unies dans le centre-ville de Beyrouth a encore été renforcée cette semaine, tandis que le porte-parole de l'ONU, Nejib Friji, a été évacué du Liban pour des raisons de sécurité.
Dans le cadre d'un «état d'urgence officieux», selon les termes du ministre de l'Intérieur, une dizaine de milliers de militaires ont été déployés sur les grands axes du pays. Des chars stationnent aux principaux carrefours, des patrouilles sont organisées. Mais les mesures de sécurité exceptionnelles déployées dans les lieux publics entretiennent la peur des attentats davantage qu'elles rassurent.

Un doigt accusateur

Car les «fuites» dont font état les médias depuis plusieurs jours ont persuadé la majorité des Libanais que le rapport Mehlis pointera clairement un doigt accusateur en direction de Damas. L'opinion anti-syrienne se réjouit d'avance d'une telle perspective, tandis que d'autres, les partisans du Hezbollah chiite par exemple, y voient déjà une machination politique.
Dans les deux cas, la plupart des analystes estiment que le Liban ne sera pas à l'abri de la «colère syrienne», selon les termes du politologue Michael Young. «Manipuler la volatilité libanaise est l'unique carte qui reste à la Syrie», confrontée à une pression américaine croissante, écrit-il dans le Daily Star.

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