Alors que les médias de masse traditionnels s'interrogent, de par le monde, sur la nature étrange des maux qui touchent la France, les éditorialistes se gaussant, notamment aux Etats-Unis, de la situation française après les commentaires de la presse française au moment de Katrina, ou se contentant de surfer, facilement, sur un amalgame douteux autour de la guerre contre le terrorisme, selon toutes ses acceptions. Mark Steyn, chroniqueur du Chicago Sun-Times, titre "Réveille-toi Europe, tu as une guerre entre tes mains", tandis que Christopher Dickey se demande, sur le site du célèbre hebdomadaire Newsweek, si les émeutes vont "grossir les rangs des djihadistes en Europe". De leur côté, les médias israéliens ose le mot "Intifada". Le quotidien de référence Ha'Aretz consacre toute une page de son site à l'opinion des Israéliens sur "l'Intifada française". Conclusion du quotidien de droite Yediot Aharonot, par la plume de son chroniqueur Sever Plocker : "Terreur à Londres, cellules terroristes à Amsterdam, Intifada à Paris. Ce n'est que le début, pas la fin".
Vendredi 4 novembre 2005, les autorités françaises se disaient "surprises" de la couverture des médias étrangers. "Je crois qu'il faut ramener cela à de justes proportions", soulignait alors le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. "Ce sont des incidents très sérieux qui doivent être pris comme tels, mais nous sommes très loin d'une situation aussi grave que pourraient le laisser penser certains commentaires de presse ou certains reportages télévisés que l'on peut lire ou voir à l'étranger."
Il ne manquait plus à ce concert que la litanie des forums islamistes arabophones. Eux non plus n'avaient pas tardé à s'emparer de la crise des banlieues. Dialoguant sur des sites comme tajdeed.net, alsaha. com ou encore alfirdaous.net, les «islamonautes» du monde entier dénoncent les «forces de police croisées» et la «France terre des infidèles», qui luttent contre les «moudjahidins». «sionisé» «infâme», «France ennemie des musulmans». «colonisation». Ironiquement, ces propos sont illustrés avec force photos ou vidéos martiales tirées des chaînes arabes (al-Jezira) mais aussi des médias anglo-saxons (BBC et CNN). La grenade lacrymogène ayant atteint une mosquée de Clichy-sous-Bois dans la nuit du 30 au 31 octobre est mise en avant en ce qu'elle démontrerait que les musulmans sont bien agressés. La deuxième chaîne de télévision russe agit de même, mais en utilisant un coktail Molotov qui a atteint, le 2 novembre, une église catholique de Sète... A chacun son Jihad...
Certains sites islamistes s'interrogent justement sur la nature des événements : s'agit-il d'un Jihad, de l'ouverture d'un nouveau front ? D'autres franchissent le pas. Un mystérieux «Mukafira al-djihad», connu pour relayer les communiqués de presse des djihadistes irakiens, diffuse sous le titre «Paris brûle» une série de photos d'émeutes. Elles sont accompagnées de «dua» (suppliques demandant à Dieu d'aider les musulmans humiliés) explicites : «Allah, accorde-leur la victoire».
Sur le forum tajdeed.net, «Docteur Abduh», connu pour son discours djihadiste, assimile les événements français avec les attentats de Madrid ou de Londres. D'autres, plus exaltés encore, vont jusqu'à faire allusion au communiqué du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien qui, le 1er août, appelait les musulmans de France à s'engager dans la lutte contre le pouvoir algérien et ses amis français...
Cette agitation n'étonne guère les spécialistes de ces forums. Auteur de "Londonistan, le djihad au coeur de l'Europe" (Michalon), Dominique Thomas rappelle que «les sites, forums et revues online islamistes se sont multipliés après le 11 septembre 2001, se concentrant sur la prédication, l'information et la formation». Concernant les réactions à la crise des banlieues, il observe «qu'elles demeurent limitées, sans comparaison avec le déferlement qui suit par exemple une revendication d'attentat ou un communiqué djihadiste». Directrice du cabinet de conseil Terrorisc, et auteur de "La Caillera" (Jacques Bertoin), Anne Giudicelli s'inquiète de ces prises de parole : «On commence par expliquer que les musulmans de France sont attaqués, puis qu'il faut les défendre et enfin que le monde musulman doit se mobiliser pour cela. La phase suivante ne sera-t-elle pas de conclure définitivement que la France est devenue une terre de djihad ?»
On assiste surtout à une conséquence de la mondialisation de l'information. Dans le cadre de l'état de tension existant actuellement dans le monde, suite à la guerre en Irak, la moindre nouvelle permettant à un discours de prendre souche est imédiatement utilisée, formatée et diffusée. Comme toujours, le premier qui parle est en position de force, puiqu'il amène l'autre partie à se défendre, et non à argumenter. Les médias français ont fait de même avec la présente crise, en l'enfermant immédiatement dans une logique de seule crise des banlieues, avec tout ce que cela suppose de parti pris lié à la question taboue qu'est, depuis 20 ans, l'immigration... On a le Jihad que l'on peut...
14.11.05
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