Iran L'affaire, qui remonte à l'été 2004, a été révélée par le «New York Times». Mais Téhéran dément avoir perdu des éléments compromettants.
Maurin Picard
[Le Figaro, 14 novembre 2005]
UN SIMPLE ORDINATEUR portable malencontreusement «égaré», et de compromettants secrets nucléaires pour l'Iran soudainement révélés à la face du monde. Tel est l'incroyable scénario révélé hier par le New York Times. Un scénario embarrassant pour les mollahs qui, depuis trois ans, tentent sans trop de conviction de prouver au monde leur bonne foi.
L'affaire remonte à l'été 2004. Les Etats-Unis informent leurs partenaires européens, alors engagés dans de difficiles négociations visant à convaincre les Iraniens de renoncer à poursuivre leurs activités nucléaires, qu'ils ont mis la main sur des documents extrêmement sensibles. Ceux-ci ne prouvent pas l'existence d'une bombe iranienne, affirment d'emblée les Américains. Mais ils apporteraient la preuve que l'Iran cherche à se doter de celle-ci, sous couvert d'un programme nucléaire officiellement civil, resté clandestin de 1984 à 2002. C'est une source anonyme, en Iran, qui est l'origine de la pêche miraculeuse. Une denrée rare par les temps qui courent, alors que les experts internationaux se plaignent de l'opacité absolue du programme nucléaire iranien.
D'après les services secrets américains, l'ordinateur dérobé regorge de plans extrêmement précis de têtes nucléaires, de savants calculs destinés à mieux arrimer de telles ogives au missile Shahab-3 («étoile filante», en farsi), le fleuron du programme balistique iranien d'origine nord-coréenne, capable d'atteindre en quelques minutes Israël, les pays du Moyen-Orient, voire les capitales d'Europe occidentale.
Ordinateur dérobé
Washington notifie également sa trouvaille à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). D'après les allégations du quotidien new-yorkais, une réunion se tient mi-juillet 2005 sur les bords du Danube, dans la capitale autrichienne, dans un bureau de l'agence onusienne en charge de la lutte contre la prolifération nucléaire. Y assistent des représentants des services secrets américains, une «demi-douzaine» de diplomates occidentaux, ainsi que le directeur général de l'AIEA, Mohammed ElBaradei, couronné Prix Nobel de la paix le 7 octobre dernier.
Les Européens, déçus par d'interminables pourparlers amorcés en octobre 2003 à Téhéran, sont convaincus. Les services secrets français, anglais et allemands semblent juger crédibles les renseignements obtenus par leurs homologues d'outre-Atlantique.
Beaucoup plus sceptiques, en revanche, sont les autres pays membres du conseil des gouverneurs, l'organe exécutif de l'AIEA, qui mettent en cause la validité des informations américaines. C'est le cas des pays non alignés, qui représentent quatorze des trente-cinq sièges du «Board» à Vienne et affichaient jusqu'à récemment un soutien inconditionnel à Téhéran.
Du moins jusqu'à ce que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, ne se livre à une violente diatribe envers Israël, appelant les pays musulmans à «rayer [celui-ci] de la carte». Un dérapage qui pourrait conduire pour l'Iran à la perte de précieux soutiens au sein du conseil des gouverneurs, lorsque viendra l'heure du vote décisif.
«C'est naïf»
L'affaire rappelle, de surcroît, une manipulation récente : en 2003, la CIA avait tenté de prouver, à l'aide de faux documents, que l'Irak de Saddam Hussein se fournissait en uranium au Niger. Un renseignement presque aussitôt démenti par les experts de l'AIEA.
L'Iran, de son côté, conteste énergiquement les révélations du New York Times. «Nous n'avons pas l'habitude de trimballer nos secrets dans des ordinateurs», a ironisé hier Hamid Reza Assefi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Tout cela ne vaut rien et c'est naïf.»
14.11.05
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