14.11.05

La police de M. Ben Ali est accusée de chercher à intimider la presse

LE MONDE | 14.11.05 | 14h02 • Mis à jour le 14.11.05 | 14h02
ENVOYÉE SPÉCIALE

es autorités tunisiennes ont annoncé, samedi 12 novembre, avoir interpellé deux suspects dans l'affaire de l'agression perpétrée contre l'envoyé spécial de Libération, Christophe Boltanski. Vendredi soir 11 novembre, le journaliste a été jeté à terre, roué de coups, et a reçu un coup de couteau dans le dos ayant frôlé la moelle épinière d'un demi-centimètre. L'agression s'est produite dans une rue fortement gardée par la police, alors que Tunis est quadrillée par les forces de sécurité à la veille du Sommet mondial sur la société de l'information des 16, 17 et 18 novembre.
Les principales figures des droits de l'homme ne croient pas à la thèse d'un forfait crapuleux présentée par le régime. Elles rappellent que Christophe Boltanski a été agressé quelques heures après que Libération eut publié l'un de ses reportages relatant le passage à tabac, mardi, de l'avocat Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) et la grève de la faim, depuis le 18 octobre, de sept personnalités de la société civile. Pour Souhayr Belhassen, vice-présidente de la LTDH, la thèse de l'agression crapuleuse est "destinée à la consommation internationale". L'universitaire Khadija Cherif qualifie les deux arrestations de "mascarade" et rappelle que "la police politique est coutumière de ce genre d'expéditions punitives maquillées en fait divers".
La liste des agressions survenues en Tunisie ces dernières années à l'encontre des militants pour les libertés est longue. Souvent en première ligne dans ce combat, les femmes ne sont pas épargnées. Souhayr Bel Hassen, Khadija Cherif, l'avocate Radhia Nasraoui et la journaliste Sihem Bensedrine, notamment, ont été sérieusement blessées dans des circonstances identiques à celles de l'agression de Christophe Boltanski. Leurs plaintes n'ont jamais été suivies d'effet.
Dans le cas de Christophe Boltanski, il s'agit d'une "première". Jamais, jusque-là, un journaliste étranger n'avait été agressé physiquement, même si le régime met de sérieuses entraves au travail de la presse. Les journalistes étrangers sont surveillés et filés sans répit. Cette filature est parfois effectuée par des agents en civil circulant à bord de véhicules noirs ne portant même pas de plaque d'immatriculation.

Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du 15.11.05

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