14.12.05

Liban: obsèques populaires pour Gebrane Tuéni, la Syrie à nouveau accusée

AFP
[mercredi 14 décembre 2005 - 17h38]

BEYROUTH (AFP) - Une marée humaine recouverte de drapeaux libanais a accompagné le député assassiné Gebrane Tuéni à sa dernière demeure mercredi à Beyrouth, où la majorité parlementaire au pouvoir est en situation de rupture avec la Syrie accusée de ce nouveau meurtre.
Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de la capitale libanaise et se sont massées surtout autour de l'immeuble du journal An-Nahar et de la cathédrale St-Georges où ont été célébrées les obsèques de Gebrane Tuéni, 48 ans, tué lundi dans un attentat avec ses deux compagnons.
Leurs cercueils, recouverts du drapeau libanais, ont été amenés à bout de bras devant les locaux d'An-Nahar, quotidien libéral très critique envers la Syrie, dont le journaliste chrétien était le directeur général, puis devant le siège du Parlement.
L'émotion était à son comble au cimetière, la fille aînée de la victime, Nayla, 22 ans, effondrée, ayant dû être réanimée par la Défense civile.
Une vingtaine de minutes plus tôt, à la cathédrale, Nayla, tentant de contenir ses larmes, a lancé: "Je suis la fille de Gebrane Tuéni, la fille d'An-Nahar, le flambeau de la liberté et je continuerai à brandir sa plume à la face des dictateurs du monde arabe".
Avant elle, Ghassan Tuéni, 80 ans, a fait ses adieux à son fils. "Il est rare que quelqu'un dise adieu à son fils à l'endroit même où, 60 ans plus tôt, il participait aux funérailles de son père".
"Je n'appelle pas à la vengeance, ni à la rancune, mais à l'unité des Libanais pour défendre le Liban et la cause arabe", a dit le patriarche de la presse libanaise et arabe, stoïque et digne malgré une voix étranglée.
Les manifestants, dans les rues, entonnaient des chants patriotiques, au milieu d'un imposant déploiement des forces de sécurité. Les écoles, banques et commerces ont fermé dans toutes les régions.
"Notre pays est à nous, nul ne peut nous l'enlever", "Gebrane vit en nous, et Rafic vit en nous", ont-ils scandé en référence à l'ex-Premier ministre Rafic Hariri assassiné en février à Beyrouth.
S'en prenant au président libanais pro-syrien Emile Lahoud, certains, des jeunes surtout, lancent: "Lahoud, honte à toi! Démissionne!"
Une Arménienne de 70 ans, le visage inondé de larmes a été la première à prendre place dans la Cathédrale St-George, tapissée de noir. "Les Alaouites (communauté dont est issu le président syrien Bachar al-Assad) ne nous laisseront jamais en paix. Ils ont d'abord tué Rafic Hariri et maintenant Gebrane Tuéni. Que Dieu nous vienne en aide", implore-t-elle.
Les députés, dont des parlementaires des partis chiites prosyriens Amal et Hezbollah, ont assisté aux obsèques après avoir tenu une session extraordinaire au siège du Parlement, non loin de l'église.
Le ministre et député Marwan Hamadé, oncle de la victime, a accusé Damas de plusieurs assassinats durant la guerre du Liban (1975-1990) et de ceux qui ont encore endeuillé le pays depuis octobre 2004, dont celui de Gebrane Tuéni.
"Il faut mettre hors d'état de nuire ce régime de dictateurs et d'assassins. Nous ne pouvons plus nous taire", a-t-il dit.
Le chef druze Walid Joumblatt, un pilier de la coalition gouvernementale, a abondé dans le même sens. "Le régime syrien doit être changé et jugé. Ce type (Bachar Al-Assad) à Damas est un malade. S'il reste au pouvoir il n'y aura pas de stabilité au Moyen-Orient", a-t-il déclaré à la chaîne CNN.
La Syrie, qui a contrôlé le Liban pendant des décennies avant d'en retirer ses soldats en avril sous la pression, a démenti toute implication dans cet assassinat.
Face à cette tension maximale, le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a entamé à Beyrouth une mission de bons offices pour selon lui prévenir "une dégradation dangereuse" entre la Syrie et le Liban.

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