7.12.05

Washington aura quatre bases en Roumanie

Bucarest mise sur son alliance avec les Etats-Unis pour s'imposer comme puissance régionale

Arielle Thedrel
[Le Figaro, 07 décembre 2005]

AU TERME d'une année de négociations, la Roumanie accueillera bientôt des bases américaines. Qualifié d'«historique», l'«accord d'accès» paraphé hier à Bucarest par le secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et le président Traian Basescu constitue une première en Europe de l'Est depuis l'effondrement du communisme. Il accorde, selon la formule utilisée par les autorités roumaines, des «facilités militaires» aux Américains.
Quatre sites ont été retenus : l'aéroport militaire Mihail Kogalniceanu, près du port de Costanta, Babadag, également sur la mer Noire, Cincu en Transylvanie, et Smardan, dans le sud, près de la frontière bulgare. Toutes ces installations militaires seront de dimensions réduites, très flexibles, basées sur le principe d'une rotation périodique et douées d'une très grande interopérabilité. Elles permettront également, a précisé Mme Rice, de mettre à niveau les soldats roumains.

Traian Basescu mise sur Washington

En 2003, durant la guerre d'Irak, l'aéroport Mihail Kogalniceanu avait déjà servi de base de rebond logistique aux forces américaines après le refus des dirigeants turcs d'en faire autant. C'est également cet aéroport qui est soupçonné d'abriter des prisons secrètes de la CIA. Condoleezza Rice et Traian Basescu n'ont pas précisé la date d'arrivée des premiers effectifs américains. La presse roumaine parle de l'été prochain.
Après s'être alignée sur les Etats-Unis lors du conflit irakien, la Roumanie s'était dite «disponible» pour accorder des bases américaines. Mais les discussions n'ont vraiment commencé qu'au début de cette année après l'élection, en décembre 2004, de Traian Basescu. Le nouveau président roumain a fait du partenariat avec Washington l'un des principaux axes de sa politique étrangère. La Roumanie a dépêché en Irak une force symbolique de 860 hommes qu'il n'est pas question pour l'instant de rapatrier.
Les Etats-Unis, de leur côté, courtisent depuis longtemps la Roumanie pour des raisons géostratégiques et le rôle charnière que ce pays est en mesure de jouer sur le flanc sud-est de l'Otan, organisation à laquelle Bucarest a adhéré il y a deux ans.

Sécuriser le bassin de la mer Noire

Traian Basescu, qui mise sur l'appui des Etats-Unis pour faire de son pays une puissance régionale, s'est promis de «faire de la mer Noire une nouvelle Méditerranée». En clair, de sécuriser le bassin de la mer Noire et d'encourager ses pays riverains à s'émanciper de la tutelle russe. Le président roumain ne cesse de souligner le climat d'instabilité qui règne dans cette région où transite près de la moitié des besoins énergétiques de l'Union européenne. Il s'implique de plus en plus dans le conflit qui oppose la petite Moldavie voisine à la république séparatiste de Transnistrie.
A l'approche des élections législatives de mars en Moldavie, il a ainsi proposé de fournir de l'électricité aux dirigeants de Chisinau pour résister au chantage économique de Moscou. En avril, il a également participé au sommet du GUUAM, une organisation réunissant cinq anciennes républiques soviétiques que les Américains tentent de ressusciter pour contrôler l'accès aux ressources énergétiques de la mer Caspienne.
La flexibilité des autorités roumaines semble également très appréciée par les Américains. La presse roumaine n'a pas manqué ainsi d'épingler le chef de la diplomatie Razvan Ungureanu pour avoir déclaré qu'il ne voyait «aucune raison» de demander des explications à Mme Rice sur l'affaire des prisons secrètes de la CIA. Il est vrai que Bucarest, soupçonné d'avoir autorisé de telles prisons sur le territoire roumain, a catégoriquement démenti.

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