20.1.06

Ben Laden «réapparaît» dans un message audio

Terrorisme La télévision arabe al-Jezira a diffusé hier une allocution du chef d'al-Qaida, qui offre une trêve aux Américains tout en les menaçant de nouveaux attentats.

Renaud Girard
[Le Figaro, 20 janvier 2006]

OUSSAMA Ben Laden, le chef spirituel et politique du réseau terroriste islamiste al-Qaida, est de retour sur la scène médiatique mondiale. Hier, une cassette audio d'une courte allocution prononcée par l'ex-milliardaire saoudien a été diffusée par la télévision satellitaire qatarienne al-Jezira. Elle a été aussitôt reprise par les chaînes du monde entier.
Le message, dont la qualité audio n'est pas bonne, ne comporte pas d'indication précise sur la date de son enregistrement. Les responsables de la chaîne ont simplement précisé que la cassette portait l'indication du mois du calendrier musulman qui correspond à notre mois de décembre. Al-Jezira a diffusé trois extraits du message, entrecoupés de commentaires d'un journaliste de la chaîne, la durée totale des extraits n'excédant pas trois minutes. La dernière diffusion médiatique d'un message de Ben Laden remontait à décembre 2004.
Les services de renseignement américains ont authentifié hier soir la voix du fondateur et leader d'al-Qaida (mot arabe signifiant «la base»). L'enregistrement ne semble pas ancien, car le cheikh y évoque plusieurs événements récents. Il fait allusion à des propos du président George W. Bush datant de novembre et à des sondages publiés aux Etats-Unis à cette époque, montrant qu'une majorité d'Américains était en faveur d'un retrait des troupes américaines d'Irak.
Ben Laden précise que son allocution «concerne les guerres d'Irak et d'Afghanistan et le moyen d'y mettre fin». Le chef terroriste ajoute qu'il n'avait initialement pas envie d'en parler – ces guerres «se déroulant dans un sens qui nous est favorable» – mais que la «désinformation constamment présente» dans les discours de «votre président Bush» l'avait fait changer d'avis. Ben Laden cite notamment des propos tenus le 29 novembre par Bush, qui avait déclaré qu'un retrait immédiat des troupes américaines d'Irak constituerait «une énorme erreur» et enverrait «un mauvais message aux troupes, aux ennemis et aux Irakiens».
Vraisemblablement caché dans les montagnes qui séparent l'Afghanistan des zones tribales pakistanaises, le cheikh saoudien a ainsi répondu au président des Etats-Unis d'Amérique : «Nous savons que la majorité d'entre vous souhaite mettre fin à cette guerre, et que les sondages d'opinion montrent que les Américains ne souhaitent pas faire la guerre aux musulmans, ni en terre d'islam, ni sur le sol américain.»
Ben Laden offre une trêve au peuple américain : «Nous n'avons pas d'objection à vous offrir une trêve de longue durée dans des conditions justes que nous respecterons, parce que nous sommes une nation à laquelle Dieu interdit la traîtrise et le mensonge.» Le terme arabe employé par ben Laden («hudna») signifie clairement qu'il ne songe pas à une fin des hostilités, mais à une simple suspension. Il affirme que cette trêve fournira aux deux parties sécurité et stabilité et permettra de reconstruire l'Irak et l'Afghanistan, «qui ont été démolis par les guerres».

Référence aux attentats européens

Le leader d'al-Qaida ajoute, sur un ton ironique, que le seul point négatif de son offre de trêve est qu'elle «mettra fin au flot de centaines de milliards de dollars que reçoivent les gros bonnets et les seigneurs de la guerre aux Etats-Unis, ceux qui ont soutenu la campagne électorale de Bush». Ben Laden évoque les attentats perpétrés dans «les principaux pays européens de la coalition», une référence apparente aux attentats du 7 juillet 2005 à Londres.
Le fait qu'il n'y ait pas eu d'attentat similaire aux Etats-Unis depuis ceux du septembre 2001 «n'est pas dû aux difficultés d'infiltration suite aux mesures prises par les autorités américaines», affirme-t-il, ajoutant que «des opérations sont en cours de préparation et vous allez les voir dans votre pays dès que ces préparations seront achevées».
La Maison-Blanche a réagi avec fermeté hier aux propos de Ben Laden. «Nous ne négocions pas avec les terroristes. Nous les mettons hors d'état de nuire. Nous ne cesserons pas tant qu'ils ne seront pas vaincus», a déclaré le porte-parole de la présidence américaine, Scott McClellan.

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