19.1.06

Tzipi Livni, une femme à poigne aux commandes de la diplomatie israélienne

Proche-Orient Le ministre de la Justice, Tzipi Livni, obtient le portefeuille des Affaires étrangères, jusqu'ici tenu par Sylvan Shalom.

Adrien Jaulmes
[Le Figaro,19 janvier 2006]

Le premier ministre Ehud Olmert, qui a remanié hier son cabinet, a ordonné à l'armée d'évacuer «immédiatement» les colons squatters qui occupent des bâtiments du marché palestinien de Hébron en Cisjordanie. Ariel Sharon se trouvait toujours hier dans un état «grave mais stable» ont indiqué ses médecins.

ELLE ETAIT presque devenue la «dauphine» d'Ariel Sharon. Mais Tzipi Livni, ministre israélien de la Justice et de l'Intégration des nouveaux immigrants, a perdu un peu trop tôt celui auquel elle doit sa fulgurante carrière politique pour pouvoir prétendre immédiatement à sa succession.
Premier membre du gouvernement à rejoindre «Kadima», le parti créé par Sharon après sa rupture avec le Likoud, elle a dû cependant s'incliner devant Ehud Olmert lors de l'attaque cérébrale de son mentor. Mais elle reste à 47 ans l'une des nouvelles personnalités les plus en vue de la scène politique israélienne et une rivale potentielle pour Olmert.
Nommée hier ministre des Affaires étrangères, elle est la première femme à occuper cette fonction depuis Golda Meir. Cet important portefeuille devrait lui permettre d'acquérir une dimension internationale et l'expérience qui lui fait encore défaut pour briguer la tête du gouvernement.

Quatre années au Mossad

Livni est née en 1958 dans une famille connue de la droite «révisionniste» israélienne, d'un père membre de l'Irgoun, organisation militaire clandestine en lutte contre les Britanniques. Avocate d'affaires, diplômée de la très conservatrice Université de Bar-Ilan, elle est élue à la Knesset en 1999 sur la liste du Likoud, son parti de toujours. Mais cette mère de deux enfants a aussi passé quatre ans au Mossad, les services secrets Israéliens.
«Elle en a gardé le style», dit une de ses collaboratrices au ministère de l'Intégration des nouveaux immigrants. «Efficace, supérieurement intelligente, mais parfois un peu froide, et pas toujours facile d'accès.» Malgré, ou peut-être à cause de ce style, un peu inhabituel au Likoud où l'on cultive plutôt une allure décontractée et où l'on apprécie les orateurs flamboyants, elle gagne la confiance d'Ariel Sharon, qui lui confie au fil des remaniements ministériels des responsabilités de plus en plus importantes.
Entrée au gouvernement en 2001, elle reçoit successivement ou simultanément les portefeuilles de la Coopération régionale, de l'Information, de l'Agriculture et enfin de l'Intégration et de la Justice, deux derniers postes qu'elle a conservés jusqu'à ce jour.
Assez grande, avec plus d'allure que de charme, souvent vêtue de tailleurs-pantalons, Tzipi Livni adopte volontiers des attitudes un peu masculines, recevant parfois les pieds sur son bureau et une cigarette à la bouche, selon un journaliste l'ayant interviewée il y a quelques années. «On sent chez elle une grande volonté. Elle est pragmatique et a la politique dans le sang, dit son ancienne collaboratrice. Ses discours aux nouveaux citoyens, qui faisaient leur Alyah, leur montée en Israël, étaient toujours très militants, c'était un vrai ministre de droite.»
Pourtant, lorsqu'Ariel Sharon annonce sa décision de démanteler les colonies juives de la bande de Gaza et se heurte à l'hostilité de l'appareil du Likoud, elle le suit sans hésiter, rompant avec sa famille politique, et s'opposant même à son frère, figure de l'opposition au retrait. En tant que ministre de la Justice, elle intervient sans relâche sur les chaînes de télévision israéliennes, se faisant l'avocate convaincue et raisonnée de l'évacuation.
«C'est de cette période que date sa véritable notoriété, dit sa collaboratrice. On avait l'impression qu'elle était chargée de transmettre la parole de Sharon.» Livni, lauréate en 2004 d'un prix d'honnêteté politique, devrait figurer en bonne place sur la liste de Kadima dont elle dirigera la campagne pour les élections législatives du 28 mars prochain. Privée pour la première fois de son puissant mentor, cette échéance aura valeur de test pour cette héritière potentielle d'Ariel Sharon.

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