28.1.06

Hamas : victoire de la modernité


La victoire du Hamas n’est guère surprenante. Elle témoigne même de la poursuite de la modernisation du Proche-Orient. Il est bien entendu que « modernisation » concerne la mutation des cadres socio-politiques depuis l’indépendance. Rappelons que la majeure partie des Etats et quasi-Etat de la région sont nés dans les lendemains de la seconde guerre mondiale. Cette modernisation, dans laquelle s’inscrit le projet de Grand Moyen-Orient du président Bush, a commencé avec la succession de Muhammad VI sur le trône du Maroc (cf. renseignement.blogspot.com/2004/10/les-hritiers.html) et s’est poursuivi avec Abdulah II de Jordanie, Bachar al-Assad et dans les monarchies du Golfe. Saïd Harriri participe lui-aussi de cette modernité.
La victoire du Hamas n’est guère surprenante, tant elle participe logiquement de l’évolution de la situation dans les Territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie. Le retrait de Gaza par les troupes israéliennes n’a fait que précipiter cette issue. Rappelons que la libération du chaykh Yassine, en octobre 1997, pour des « raisons humanitaires », n’avait d’autre but que de renforcer le Hamas contre le Fatah de Yasir Arafat. La stratégie de terrorisme qui en découla a permis de discréditer ce dernier et de radicaliser la situation dans la région, permettant ainsi au Hamas de se développer. Financé par divers services de renseignements arabes et mouvements de solidarité répartis un peu partout dans le monde (cf. Comité de Bienfaisance et de Solidarité avec la Palestine — France —, Fondation Al-Aksa — Allemagne —, Holy Land Foundation for Relief and Development — (USA —, Palestinians’ Relief and Development Fund ou Interpal et Palestine and Lebanon Relief Fund — Grande-Bretagne). Le Hamas exploite aussi un large réseau d’organisations charitables et d’associations sociales dans les territoires occupés, qui lui servent à la fois à récolter des fonds et à grossir le nombre de ses sympathisants. Ce clientélisme très commun aux mœurs politiques de cette région (et de bien d’autres) s’est avéré très utile à l’occasion des diverses échéances électorales de ces derniers mois.
La victoire du Hamas n’est guère surprenante, tant il reflète l’épuisement des mouvements de libération, corrompus et à la recherche de légitimités nouvelles. C’est une situation commune à tout le monde arabo-musulman, depuis le Maroc jusqu’à l’Indonésie. Les solutions issues des combats unitaires contre la colonisation sont aujourd’hui éculées, comme les raisonnements bipolaires marqués par la Guerre froide le sont en Occident. Les populations palestiniennes jeunes ne peuvent plus s’accommoder des demi-succès d’une OLP fatiguée, arc-boutée sur le piètre héritage jusqu’au-boutiste de Yasir Arafat. Derrière cette victoire émerge peut-être un espoir, celui d’une maturité démocratique du peuple palestinien, sous le coup du double héritage de la longue pratique de l’OLP des hémicycles de la Ligue arabe ou des Nations unies et du long, mais difficile et délicat, voisinage avec la seule démocratie de la région, Israël. La leçon serait alors celle de Churchill et du général de Gaulle, aux lendemains de la seconde guerre mondiale, battus aux élections après avoir mené leur pays à la victoire en quatre années « de sang, de (…) peine, [de] larmes et de (…) sueur ».
Cette évolution qui semble surprendre tout le monde n’a pris de court aucun des acteurs. En premier lieu qui, depuis l’automne 2005, est entré en contact avec le Hamas. « Les négociations ne sont pas notre intention mais un moyen. S’il nous permet de libérer nos terres, libérer nos gens détenus en Israël et reconstruire ce qui a été détruit par l’occupation israélienne, nous pourrons effectivement discuter », avait déclaré Mahmûd Zahar, haut responsable du mouvement islamiste palestinien, lors d’une interview, qualifiée d’« exceptionnelle », diffusée le 9 novembre par la radio publique israélienne. De son côté, Israël avait minimisé la portée de ces déclarations, considérant qu’elles avaient pour but d’alléger la pression sur le Hamas à l’approche des élections de janvier. « Ces déclarations ont pour seul but de permettre au Hamas de participer au scrutin et ne reflètent aucune volonté de compromis » , a estimé un conseiller du ministre de la défense, Shaul Mofaz. Le gouvernement israélien s’opposait à la participation du Hamas aux législatives palestiniennes et menaçait de les entraver, exigeant auparavant que le mouvement islamiste « renonce au terrorisme » et à ses objectifs de « destruction » d’Israël. S’exprimant devant des parlementaires, lundi 7 novembre, le premier ministre, Ariel Sharon, avait même menacé encore une fois les Palestiniens qu’Israël ne participerait pas à la coordination des élections législatives si le Hamas comptait y participer. On sait ce qu’il en ait advenu…

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