11.1.06

Le coût de la guerre en Irak aurait été largement sous évalué par Washington

LEMONDE.FR | 10.01.06 | 07h49 • Mis à jour le 10.01.06 | 14h52

Le coût total de la guerre en Irak pourrait dépasser les 2 000 milliards de dollars, ce qui est bien supérieur aux projections faites avant le conflit par la Maison Blanche, à en croire une étude notamment réalisée par le Prix Nobel de l'économie Joseph E. Stiglitz.
Cette étude prend notamment en compte les pensions d'invalidité qui seront versées à vie aux 16 000 blessés de l'armée américaine, dont 20 % souffrent de graves déficiences mentales ou physiques.
L'enquête a été co-dirigée par M. Stiglitz, économiste à l'Université de Columbia, et Linda Bilmes, professeur à Harvard. Ils affirment que les contribuables américains devront continuer, longtemps après le retrait des forces américaines d'Irak, à supporter la charge financière de ce conflit.
"Même en optant pour une approche conservatrice, nous sommes surpris par l'importance du coût de la guerre", peut-on lire dans le rapport. "Nous pouvons affirmer qu'il sera supérieur à 1 000 milliards de dollars." Avant l'intervention de mars 2003, la Maison Blanche avait affirmé que cette entreprise serait financièrement "abordable".
Elle avait jugé que les estimations de Lawrence Lindsey, alors conseiller économique de l'administration Bush était "très, très élevées". Il avait avancé le chiffre de 100 à 200 milliards de dollars.

FLAMBEE DU PETROLE

A en croire M. Stiglitz et Mme Bilmes, les frais imprévus concernent notamment le nécessaire recrutement de nouveaux militaires pour relever les effectifs en Irak et le coût de la guerre est renforcé par le ralentissement de la croissance américaine et le coût de la prise en charge des séquelles mentales de nombreux vétérans sur le long terme. Se fondant sur des statistiques de l'armée, ils affirment en effet que 30 % des militaires américains ont développé des problèmes psychiques dans les trois à quatre mois qui ont suivi leur retour d'Irak.
M. Stiglitz, qui a toujours ouvertement critiqué la stratégie irakienne du président Bush, et Mme Bilmes ont fondé leurs estimations sur le coût des guerres passées et pris en compte la flambée du prix du pétrole, le creusement du déficit public américain et l'insécurité mondiale provoquée par le conflit irakien.
Selon eux, une portion de l'augmentation du prix du brut - de l'ordre de 20 % de l'augmentation de 25 dollars par baril observée depuis le début de la guerre - peut être directement imputée au conflit. Cette portion seule a coûté au total 25 milliards de dollars aux Etats-Unis depuis 2003.
La projection d'un coût total de 2 000 milliards de dollars se fonde sur l'hypothèse d'un maintien de troupes en Irak jusqu'en 2010. Les deux universitaires ont toutefois postulé une réduction progressive de ce contingent. On dénombre 153 000 militaires américains en Irak. Les chercheurs Stiglitz et Bilmes ont fondé leurs estimations de 2006 sur un contingent de 136 000 soldats.
Ancien conseiller du président Bill Clinton, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, M. Stiglitz a obtenu le Prix Nobel en 2001. Il a défrayé la chronique en 2002 en publiant "La grande désillusion", dans lequel il dressait un tableau très sombre de l'état du monde et dénonçait le mode de fonctionnement des institutions financières internationales, en particulier du Fonds monétaire international (FMI).

Avec Reuters

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