22.3.06

Celui qui brûle un livre....

La Croix 21-03-2006

Des livres rares volés ou brûlés

Des livres religieux rares et de grande valeur ont été brûlés ou volés lors de l’occupation de la Sorbonne dans la nuit du 10 au 11 mars
Ce ne sont pas seulement des centaines de tables et de chaises qui ont été détruites à la Sorbonne dans la nuit du 10 au 11 mars. Les quelque 300 personnes, étudiants ou non, qui ont occupé les lieux auraient également fait main basse sur des ouvrages d’une grande valeur historique. Une première liste de livres brûlés sur place ou volés vient d’être transmise au recteur de Paris par le directeur des études de l’École des Chartes, Jérôme Belmon.
Les six titres (1) recensés sont des cartulaires ecclésiastiques de la fin du XIXe siècle. Plus précisément, il s’agit de chartes d’abbayes d’Île-de-France, dans lesquels étaient consignés tous les documents officiels ou de droit privé depuis le Moyen Âge.
« Les cartulaires ecclésiastiques sont souvent les seuls à avoir traversé les siècles en raison de la pérennité des institutions religieuses, explique Jérôme Belmon. Ces ouvrages qui contiennent des documents pouvant dater du Xe siècle représentent une source très riche pour la connaissance du Moyen Âge. » D’une valeur pouvant atteindre 1 000 à 2 000 € sur le marché du livre ancien, ces ouvrages sont très rares mais heureusement pas uniques. « La Bibliothèque nationale de France conserve notamment un exemplaire de chacun », indique Jérôme Belmon.
L’absence des neuf volumes a pu être très vite relevée par la direction de l’École nationale des Chartes – localisée à la Sorbonne et qui forme le personnel scientifique chargé de la conservation du patrimoine – car ils avaient été sortis des rayons dans le cadre d’un programme de numérisation de cartulaires confié à une entreprise extérieure. Le local où ils étaient stockés a été entièrement vandalisé. Sept ordinateurs portables ont ainsi été volés.

Neufs volumes disparus

Que sont devenus les neuf volumes ? L’École nationale des Chartes privilégie «l’hypothèse que ces ouvrages aient pu être brûlés près de la chapelle» de la Sorbonne, selon le courrier adressé au recteur Maurice Quenet. Il faudra, en revanche, beaucoup plus de temps pour dresser un inventaire précis des autres livres manquants. Parmi les 25 bibliothèques que compte la célèbre université, celle de l’École nationale des Chartes est l’une des plus prestigieuses avec ses 100 000 volumes référencés.
Dans les heures qui ont suivi l’évacuation des lieux par les forces de l’ordre, plusieurs livres ont été retrouvés dans la cour ou dans les rues avoisinantes. «Leurs reliures ont souffert mais on a pu sauvegarder le contenu», précise Jérôme Belmon qui tient à écarter l’hypothèse d’un autodafé général : « D’autres livres étaient entreposés sur le bord de fenêtres. Pour jeter des chaises dans la rue, les occupants ont pris soin de les déplacer et de les empiler à côté. »
Pour l’heure, le site de la Montagne-Sainte-Geneviève reste protégé par un important dispositif de sécurité et totalement fermé à ses 12 000 étudiants. La décision de réouverture dépend de l’avis d’une commission de sécurité de la préfecture qui doit visiter les lieux aujourd’hui. « 50 extincteurs et tout le dispositif de détection d’incendie ont été vandalisés », rappelle Nicolas Boudot, chef de cabinet du recteur. Même en cas d’avis favorable, la décision de réouverture ne sera prise que si des garanties suffisantes sont obtenues auprès des étudiants grévistes. Ce qui semble loin d’être acquis.

Bernard GORCE

(1) Les cartulaires sont ceux de Saint-Leu d’Esserent, de Saint-Christophe en Halatte, de l’abbaye de Morienval, de Notre-Dame de Chartres, du prieuré de Saint-Godon-sur-Loire et de Saint-Thomas d’Epernon.

Aucun commentaire: