16.3.06

La diplomatie communautaire à l'épreuve

EUROPE CHRONIQUE
par Thomas Ferenczi
LE MONDE | 16.03.06 | 13h31 • Mis à jour le 16.03.06 | 13h31

L'Europe est au coeur de deux négociations qui mettent sa diplomatie à rude épreuve. La première concerne l'Iran, dont les autorités refusent de suspendre le programme d'enrichissement nucléaire malgré les pressions des Européens. La seconde a pour théâtre la Palestine, où la victoire électorale du Hamas, organisation considérée à Bruxelles comme terroriste, remet en cause les relations établies de longue date entre l'Union européenne et le gouvernement palestinien.
Les récents développements de ces crises ont créé une "situation nouvelle", comme l'a souligné le 10 mars à Salzbourg (Autriche), en présence de ses collègues européens, la ministre autrichienne des affaires étrangères, Ursula Plassnik. La question iranienne vient en effet d'être portée devant le Conseil de sécurité des Nations unies et la question palestinienne est suspendue à la formation du nouveau cabinet. Ces événements mettent les Européens dans l'embarras. Ils paraissent réduire à néant leurs efforts pour trouver une issue aux deux conflits.
Ces efforts ont pris des formes différentes selon les cas. A l'égard de l'Iran, trois Etats européens - l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne - ont conduit les discussions au nom de l'Union ; à l'égard de la Palestine, la Commission a joué un rôle majeur, puisque les aides financières, qui constituent l'essentiel de la contribution communautaire, dépendent d'elle. Mais les objectifs que s'est donnés l'Europe se ressemblent : obtenir de ses interlocuteurs qu'ils renoncent, les uns à leur programme d'enrichissement nucléaire, les autres à leur stratégie terroriste contre Israël.
Or, après les derniers rebondissements, l'Union risque de perdre la main dans les deux négociations. Elle n'est plus en première ligne sur le dossier iranien dès lors que celui-ci est transféré devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Et elle perd une partie de ses moyens d'action sur le dossier palestinien si elle supprime ses aides financières aux autorités de Ramallah pour marquer son désaccord avec les méthodes du Hamas. Sa préoccupation actuelle est donc de rester dans le jeu, en se montrant unie et déterminée face aux manifestations d'intransigeance de ses adversaires.
Les ministres européens des affaires étrangères ont ainsi affiché à Salzbourg leur volonté de continuer à rechercher une solution diplomatique à la crise iranienne. "L'Union européenne veut y croire jusqu'au bout", a dit le ministre français, Philippe Douste-Blazy. "La saisine du Conseil de sécurité n'est pas la fin du processus", a souligné la commissaire européenne aux relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner. Le chercheur britannique Mark Leonard estime, dans une récente publication du Centre for European Reform intitulée Can EU diplomacy stop Iran's nuclear programme ? ("La diplomatie européenne peut-elle stopper le programme nucléaire de l'Iran ?", novembre 2005), que la politique de l'Union a déjà produit des effets positifs. Même si les conversations sont dans l'impasse, les Européens n'excluent pas un revirement des dirigeants iraniens.
Ce revirement, l'Union l'attend aussi des Palestiniens du Hamas. Pour le moment, elle ne veut discuter qu'avec Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne. Mais elle espère que sa participation au pouvoir modérera le mouvement islamique. La dernière livraison de la revue Foreign Affairs (mars-avril 2006) se demande si le Hamas peut être "apprivoisé" ("Can Hamas be tamed ?"). L'auteur, Michael Herzog, officier israélien, juge optimistes ceux qui croient aux vertus modératrices de la gestion gouvernementale. C'est le pari, ou au moins le voeu, des Européens.
Dans ces deux affaires, l'Union joue une grande part de sa crédibilité. Si elle échoue, elle devra mettre en sourdine son ambition de jouer un rôle majeur sur la scène mondiale.

THOMAS FERENCZI
Article paru dans l'édition du 17.03.06

Aucun commentaire: