21.5.06

La mort de l'Eurovision

L'an dernier, à pareille époque (23 mai 2005), Renseignement & géopolitique se penchait sur les votes de l'European Song Contest ou Concours eurovision de la chanson, qui s'était déroulé à Kiev la veille. La France terminait piteusement avant-dernière ; le sursaut national de cette année la fait progresser d'une place. Mais l'essentiel est ailleurs. En premier lieu, comment expliquer la victoire finlandaise ? On pourrait d'abord penser à un gag, ce qui signerait tout de suite la mort du concours, discrédité autant par les qualités de la chanson primée, loin des critères préformatés de ce concours (comme quoi la France a peut-être raison de s'obstiner), que par la preuve d'un arrangement entre les pays participants.
Justement, cet arrangement apparaît de plus en plus clairement. Sur trente-huit votants d'hier (http://a1679.g.akamai.net/7/1679/9896/v001/esc.download.akamai.com/9896/press_pictures_2006/final_2006_points.pdf), seize pays ont accordé leurs points télévisés (8, 10 et 12), c'est-à-dire ceux portant le plus à conséquence, à leurs voisins. On était habitué de longue date à un tel comportement de la part des pays scandinaves. Aujourd'hui, il est clair que les Balkans, ancien Yougoslaves d'un côté, anciens Ottomans et anciens Grecs de l'autre, mais aussi les anciens Soviétiques se sont inspirés de cette attitude.
Mais il apparaît également que des comportements transversaux soient possibles. Ainsi, France et Pays-Bas, les deux vainqueurs du "Non" à la Constitution, mais l'Allemagne ont voté pour la Turquie. On opposera en premier lieu les fortes communautés turques de ces trois pays. Mais également l'apparente contradiction entre le vote télévisé et les positions des dirigeants nationaux de ces trois pays, largement hostiles à l'intégration européenne de la Turquie. L'étrangeté du vote de la France et des Pays-Bas est encore plus troublante lorsque l'on voit que les deux pays ont placé second l'Arménie... en plein débat français sur la reconnaissance du génocide et son historicisation. Enfin, si la Francophonie ne semble pas trouver ici de traduction réelle, puisque ni la Belgique, ni la Suisse, ni Andorre, ni Monaco, n'ont accordé les principaux points à la France, la latinité semble fonctionner. L'Italie était absente, préférant se consacrer à son festival de San Remo plutôt que de se voir obligée, si elle gagnait, d'organiser un couteux événement médiatique rapportant peu, mais le Roumain a chanté en partie dans la langue de Dante. Résultat : Portugal et Espagne lui ont apporté leurs voix. Ce dernier a également profité du vote régional, ce qui lui permet de terminer quatrième...
Plus que jamais, le concours de l'Eurovision de la chanson apparaît comme un mort-vivant. Peut-être une raison pour les Monstres finlandais de terminer premier.

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