26.9.06

L'arbre qui cache la forêt

On se croirait revenu aux pires heures de la Guerre froide. En visite à Washington, le président irakien, Jalal Talabani, réclame une présence américaine à long terme... afin de lutter contre les «interférences étrangères».

Certes, la violence s'aggravant inexorablement, le chef de l'État est bien obligé de reconnaître que faute de pouvoir assurer sa sécurité, son régime fantôche a besoin de bases américaines permanentes. Au Washington Post, Talabani a déclaré «Nous en aurons besoin pendant longtemps. Je ne demande pas d'avoir 100 000 soldats américains, 10 000 et deux bases aériennes seront suffisants», a-t-il souligné, laissant entendre que les régions autonomes kurdes du Nord, dont il est originaire et un des deux dirigeants historiques, pourraient les accueillir. De là à penser qu'il s'agit d'un pas de plus vers l'autonomie de ces régions et une partition de l'Irak...

Pour autant, ce qui est choquant, c'est cette volonté d'impliquer des «interférences étrangères» dans la guerre civile en cours en Irak. Le départ des forces américaines – 147 000 hommes – est la principale revendication de la guérilla sunnite. Mais, d'après Jalal Talabani, même «les sunnites, dans certains endroits, veulent que les Américains restent», car «ils pensent maintenant que le principal danger vient de l'Iran», accusé de déstabiliser son voisin. La semaine dernière, le lieutenant général John Abizaid, commandant le dispositif militaire américain en Irak, a affirmé qu'il ne fallait pas compter sur une réduction de troupes avant le printemps 2007. La persistance de la violence intercommunautaire augmente le risque d'explosion du pays. C'est précisément pour faire reculer ce risque d'un affrontement confessionnel généralisé que la majorité chiite au Parlement vient d'accepter de renoncer à son projet de loi sur le fédéralisme, auxquels étaient opposés les sunnites, principaux soutiens de l'insurrection. A l'issue d'un laborieux compromis, les principaux blocs parlementaires se sont entendus pour reporter, dix-huit mois après son adoption par le Parlement, l'entrée en vigueur de cette loi sur le fédéralisme. Une décision destinée à apaiser le climat au sein d'une coalition gouvernementale, incapable de relever le défi de l'insécurité, la priorité pour une majorité d'Irakiens.

Un rapport confidentiel des services de renseignements américains estime pourtant que la guerre en Irak a contribué à engendrer une nouvelle vague de radicalisme musulman et a accru la menace terroriste. Selon le New York Times, qui révèle l'existence de cette étude en contradiction avec les propos officiels à Washington, «la guerre en Irak a aggravé le problème général du terrorisme. Le rapport conclut que le mouvement islamiste radical s'est élargi, partant du noyau d'al-Qaida et des groupes qui lui sont affiliés vers une nouvelle forme de cellules spontanées qui s'inspirent d'al-Qaida, mais n'ont aucun lien avec Oussama Ben Laden ou ses lieutenants», écrit le quotidien. Enfin une reconnaissance des affirmations de Renseignement & géopolitique depuis plus de deux ans. Et si hier, les forces britanniques déployées dans le sud de l'Irak ont tué un dirigeant opérationnel d'al-Qaida, qui s'était enfui d'une base américaine en Afghanistan il y a plus d'un an, rien ne prouve la connexion de ce nouveau front du Djihad à une révolution islamiste mondiale. Après l'ex-Yougoslvie, la Tchétchénie et l'Afghanistan, voilà que l'Irak est le rendez-vous de tous les boutes-feu en mal d'action.

Du «Triangle sunnite» au sud à majorité chiite, les derniers signaux confirment une sophistication croissante des attaques par la guérilla irakienne. Selon le ministre de la Défense, Saadoun al-Douleimi, les groupes armés en viennent désormais à transformer des otages en kamikazes. Dans le même temps, les menaces contre les missions diplomatiques étrangères à Bagdad se précisent. «Plusieurs alertes sérieuses», selon une source informée, ont été observées au bout de la ruelle qui conduit à l'ambassade de France, dans le centre de Bagdad. Les policiers irakiens en faction n'ont pas réagi à ces mises en garde, qui émaneraient de miliciens du leader radical Moqtada Sadr, qui contrôlerait de moins en moins ses troupes. Déjà «avertie» l'an dernier, la France a promptement réagi pour renforcer la sécurité de sa mission à Bagdad.

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