10.11.06

Dix de chute

La guerre en Irak a semble-t-il fait une nouvelle victime, tant la démission de Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, seulement un jour après la victoire démocrates aux élections de mi-mandat, est présentée comme lié avec cette question. Et d’ouvrir sur un réel changement de politique au Moyen-Orient… En Europe, on oublie trop vite combien l’homme était contesté, aussi dans le camp des Faucons que dans l’armée. Considérés par beaucoup comme «machiavélien», il était présenté par «Dear» Henry Kissenger comme l’un des plus brutal homme qu’il ait eu à connaître. Et pire que «Tricky Dick» Nixon… Il est vrai que, sur un autre plan, les hommes de Bush Jr. ont fait pire que les plombiers du Watergate !
Le gros des critiques proviennent toutefois du Pentagone et, paradoxalement, de la Maison-Blanche. Mercredi dernier, un éditorial de l’Army Times, le journal du Pentagone, appelait même ouvertement à la démission. Rumsfeld est responsable politiquement de la conduite des opérations militaires en Irak et sur tous les fronts où les armées américaines sont engagées. Sa pire erreur fut de transformer la guerre contre Saddam en un conflit interethnique, en «déb‘assifiant» l’administration et en renvoyant la police et l’armée irakienne en juillet 2003. Impliqué dans le complexe militaro-industriel, il a cru que la technologie, guerre réseaucentrique et infodominance, était la panacée dans une guerre qu’il se refusait à appeler civile. Ses erreurs se comptent lourdement depuis : plus de vingt mille blessés et quelque deux mille huit cents tués parmi les forces américaines, sans compter les quelque sept cent mille Irakiens.
Rumsfeld est également l’artisan de la campagne contre Saddam. Dès le 11 Septembre, il a œuvrer pour lier Al Qaïda et le régime irakien. En septembre dernier, après bien d’autres instances, la commission du renseignement du Sénat avait démontré combien cela était faux. Quinze jours plus tard, le Président Bush faisait savoir que son secrétaire à la Défense resterait en poste aussi longtemps qu’il faudrait.
Aujourd’hui, des Faucons de 2003, il ne reste plus en activité que le vice-président Dick Cheney. L’ambassadeur Paul Wolfowitz, sous-secrétaire à la Défense à l’époque, présente depuis un an un autre visage, et surtout tient un autre discours, à la tête de la Banque mondiale. Même le timoré Colin Powel, ancien général, ancien secrétaire d’Etat, a laissé sa place.
Pour autant, si le départ de Rumsfeld marque définitivement la fin du premier mandat de Bush, il n’en représente pas pour autant un changement de direction dans la guerre en Irak. Même maîtres du Congrès des Etats-Unis (Sénat et Chambre des représentants), pour la première fois depuis douze ans, les Démocrates ne disposent pas de plan B, et encore moins le pouvoir de l’appliquer. Quant au successeur de Rumsfeld, il ne sera pas difficile à cet ancien directeur de la CIA et actuelle président de la Texas A&M University d’insuffler une stratégie militaire plus cohérente, en général (guerre contre le terrorisme) et en particulier (Irak, Afghanistan). Robert Gates connaît l’Irak. Doublement même. En 1990-1991, à la CIA, il participa à la planifia de la «tempête» sur Bagdad. Aujourd’hui, il participe au Iraq Study Group, que dirige l’ancien secrétaire d’Etat James Baker. Les deux dernières années de George W. Bush risquent de ne plus lui appartenir, mais de devenir le second mandat de George H. Bush. Car, pour le reste, quelle peut être la latitude dont disposera réellement Gates ?

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