30.7.07

L'Inde découvre l'ampleur de son infiltration par al-Qaida

De notre correspondante à New Delhi MARIE-FRANCE CALLE.
Publié dans le Figaro le 17 juillet 2007
Actualisé le 17 juillet 2007 : 08h18

Les attentats manqués de Londres et Glasgow, dans lesquels des Indiens sont mis en cause, suscitent une prise de conscience à Delhi.

FIÈRE de son rôle dans la globalisation, l'Inde vient de découvrir que c'est pour le meilleur et pour le pire. Côté lumière, il y a le rayonnement de son économie, de sa culture, de ses « designers ». Côté ténèbres, il y a les réseaux du terrorisme international. Jusqu'à la fin juin et les tentatives d'attentats en Grande-Bretagne, c'était pour les autres, le Pakistan en tête. Se considérant elle-même comme une victime du terrorisme, l'Inde était convaincue de ne pas en être l'exportatrice. Son premier ministre, Manmohan Singh, s'en était félicité après les attaques à Londres (56 morts) du 7 juillet 2005. Soulignant que bien qu'arrivant au troisième rang des pays à forte communauté musulmane (145 millions de musulmans, soit 13 % de sa population) après l'Indonésie et le Pakistan, aucun Indien n'avait jamais été impliqué dans des actes de terrorisme international. En Inde même, c'était une autre histoire. Le 29 octobre 2005, trois attentats simultanés ont tué 66 personnes à New Delhi ; le 11 juillet 2006, des explosions dans des trains à Bombay, capitale économique du pays, ont fait 187 victimes. Certains y ont vu la main d'al-Qaida mais ici, les enquêtes se perdent souvent dans les sables.

Voiture bélier

Les tentatives d'attentat des 29 et 30 juin en Grande-Bretagne ont changé la donne, en faisant entrer de plain-pied l'Inde dans la nébuleuse al-Qaida, version globale et impitoyable. Sur les trois personnes inculpées samedi au Royaume-Uni, l'un est un médecin indien, Sabeel Ahmed, 26 ans, originaire de Bangalore, la capitale nationale du « high-tech ». Il a plaidé non coupable hier à Londres par l'intermédiaire de son avocat, lors de sa première présentation devant un tribunal.

Son frère aîné, Kafeel Ahmed, 27 ans, conduisait la voiture bélier qui s'est incrustée le 30 juin dans le terminal de l'aéroport de Glasgow. Cet ingénieur, très grièvement brûlé, n'a pas été inculpé en raison de son état de santé, mais il est l'un des principaux suspects. Un troisième inculpé, Mohammed Haneef, médecin, n'est autre que le cousin des frères Ahmed. Son arrestation en Australie, le 2 juillet, alimente un feuilleton médiatique en Inde. Hier, le gouvernement australien a trouvé le moyen d'empêcher la mise en liberté conditionnelle de Mohammed Haneef en annulant son visa.

En Inde, les réactions vont de l'embarras à la vexation, en passant par une inquiétude pragmatique sur l'obtention à venir de visas pour aller travailler à l'étranger. Ce qui trouble, surtout, c'est que Kafeel Ahmed, apparemment très engagé dans le djihad, la guerre sainte, contre les Occidentaux en Tchétchénie, en Irak ou en Afghanistan, ne s'est jamais soucié de « libérer » le Cachemire. Delhi se rapproche de plus en plus de Washington, ce qui pourrait déplaire aux émules de Ben Laden et faire de l'Inde une cible privilégiée du terrorisme international.

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