2.11.07

Irak : les diplomates américains se rebiffent

De notre correspondant à Washington PHILIPPE GÉLIE.
Publié dans le Figaro le 03 novembre 2007

La menace de nommer de force plusieurs dizaines de fonctionnaires à Bagdad suscite une bronca.

LE DÉPARTEMENT d'État est à court de volontaires pour sa méga-ambassade à Bagdad, la plus importante dans le monde avec quelque 6 000 employés. Alors que 250 fonctionnaires doivent être remplacés l'été prochain, à peine plus de 200 candidats se sont manifestés. Confrontée à la pénurie, Condoleezza Rice, le secrétaire d'État, a décidé de passer en force.

En fin de semaine dernière, 250 membres du Foreign Service ont été avertis par courriels qu'ils avaient été inscrits d'office sur une liste de « candidats préférentiels » pour servir en Irak. Il s'agit de combler 48 postes vacants auxquels, faute de prétendants qualifiés, ils risquent d'être nommés d'autorité. Les personnes pressenties ont dix jours pour faire valoir leurs objections par écrit, mais le directeur général du ministère, Harry Thomas, a prévenu que seuls « des problèmes de santé sérieux ou des difficultés personnelles extrêmes » constitueraient des excuses valables. Si les agents retenus refusent toujours, ils seront licenciés.

C'est la première fois depuis la guerre du Vietnam que le département d'État procède à des nominations forcées aussi massives. En 1969, toute une classe de jeunes diplomates avait pris la direction de Saigon, certains y amorçant une brillante carrière, comme John Negroponte, l'actuel numéro 2 de la diplomatie américaine. En prenant leurs fonctions, les nouvelles recrues font serment de servir partout où on les enverra. Mais, en pratique, il est rare qu'on oblige quelqu'un à travailler dans une ambassade contre son gré. Depuis 2003, environ 1 200 des 11 500 diplomates américains ont effectué au moins un tour en Irak. Aujourd'hui, le vivier s'épuise.

« Une condamnation à mort »

Cette semaine, Harry Thomas et David Satterfield, le coordinateur de la politique en Irak, ont essuyé une bronca du personnel réuni dans l'immeuble de Foggy Bottom à Washington. Sous les applaudissements de ses collègues, Jack Croddy, qui affiche 46 ans de maison, a dénoncé les méthodes de l'Administration : « Si quelqu'un croit en cette mission et se porte volontaire, c'est une chose, a-t-il dit. C'en est une autre de l'y contraindre. Je suis navré, mais c'est potentiellement une condamnation à mort et vous le savez. » Trois fonctionnaires du département d'État ont été tués en Irak depuis trois ans. Nul ne sort de la « zone verte » sans escorte armée.

Le département d'État ne lésine pas sur les avantages offerts aux courageux qui veulent bien servir à Bagdad et dans les 25 « équipes de reconstruction » (PRT) disséminées en province. Leur salaire est doublé grâce aux primes, ils bénéficient de cinq « pauses de relaxation » hors du pays pendant 60 jours et ont priorité dans le choix de leur prochaine affectation. Mais cela ne suffit plus. Depuis des mois, le Pentagone se plaint de devoir combler les vides laissés par les diplomates.

Pour Nancy Pelosi, « speaker » démocrate de la Chambre des représentants, les réticences de ces « patriotes (...) indiquent clairement l'échec de la politique en Irak ».

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