23.7.08

Le général Rondot raconte la traque de Radovan Karadzic

Le Figaro, Georges Malbrunot

Le refus de Belgrade de donner accès à ses écoutes téléphoniques fut l'un des principaux obstacles à la localisation du criminel de guerre.

À deux reprises, le général Philippe Rondot crut mettre la main sur Radovan Karadzic. Mais à chaque fois, le criminel de guerre échappa in extremis au maître espion français qui le traquait depuis dix ans, au côté de la petite équipe mise sur pied par Carla Del Ponte, l'ancienne procureur du Tribunal de La Haye.

En 1999, alors que Karadzic est réfugié en Bosnie, un de ses gardes du corps est retourné par une équipe d'agents français et de la CIA. Mais au dernier moment, l'homme refuse de trahir son chef. En janvier 2000, une interception téléphonique permet de localiser Karadzic dans la région de Trébinje. Une opération de la Sfor est alors déclenchée, mais lorsque les militaires français arrivent sur place, le chef de guerre est déjà parti.

«Quand il a vu que la pression devenait trop forte en Bosnie, Karadzic a filé se mettre à l'abri ailleurs», nous explique le général Rondot. Les services de renseignements occidentaux le croient au Monténégro, en Grèce, voire même en Biélorussie, où le fuyard aurait fait une brève incursion. Mais Karadzic se planquera finalement en Serbie, où il dispose de nombreux appuis dans les milieux politiques ultranationalistes, l'appareil sécuritaire, ainsi qu'au sein de l'Église, en particulier dans les monastères.

«En Serbie, nous butions sur deux problèmes pour l'attraper, explique le général Rondot, l'ancien premier ministre Kostunica, tout d'abord, qui ne donnait pas son feu vert, et un obstacle de nature technique, avec les interceptions téléphoniques», essentielles au travail des limiers lancés sur les traces de Karadzic. Belgrade a toujours refusé que d'autres services de renseignements exploitent les données recueillies à partir de ses écoutes.

«En Bosnie, nous pouvions patrouiller : la DGSE, la Direction des renseignements militaires, mais aussi nos forces spéciales ont beaucoup œuvré. En Serbie, nos actions étaient réduites», reconnaît Rondot. Le général français est tributaire du bon vouloir serbe. «Si les renseignements militaires coopéraient assez bien avec nous, en revanche le BIA, le service civil était, lui, plus réticent», ajoute-t-il.

Karadzic était-il couvert par le BIA ? Un détail intrigue : il y a dix jours environ, Rade Bulatovic a quitté la direction des renseignements civils. A-t-il refusé de couvrir l'arrestation de Karadzic ? Une chose est sûre : depuis la formation d'un nouveau gouvernement pro-européen à Belgrade, la donne avait changé pour Karadzic. Sa capture aurait été facilitée par la coopération d'un service occidental, très vraisemblablement la CIA, qui dispose d'un centre d'écoutes téléphoniques sur le mont Ijman en Bosnie voisine, et dont plusieurs membres opéraient au sein du dispositif sécuritaire de Belgrade.


Méfiance à l'égard des siens



Nul ne sait encore qui est la source à l'origine de la capture ? Depuis son appartement du Nouveau Belgrade, Karadzic avait tout lieu de se méfier des siens. Il n'ignorait pas que sa famille faisait l'objet d'une surveillance étroite. Son frère, Lucas, un homme d'affaires qui livrait «des renseignements d'ambiance» était «traité» par le général Rondot. Son épouse, Ljiljana, l'avait appelé à se rendre à la justice internationale, et il y a un mois seulement son fils Alexander avait été interpellé, puis longuement interrogé par les services de sécurité à Belgrade.

«Karadzic avait sans doute coupé tous ses liens avec les réseaux de soutien financiers et familiaux de telle sorte que l'on ne puisse pas remonter jusqu'à lui», estime le général Rondot. Selon certaines sources, Karadzic n'avait plus que trois gardes du corps autour de lui. «Hirsute, il me rappelle étrangement un autre fugitif, Saddam Hussein quand il a été capturé», conclut le général Rondot.

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